Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Jean Genet, ou la littérature en question

 

Jean Genet, ou la littérature en question

par Yann Le Puits

 

     « J’avais seize ans. On m’a compris : dans mon cœur je ne conservai aucune place où pût se loger le sentiment de mon innocence. Je me reconnaissais le lâche, le traître, le voleur, le pédé qu’on voyait en moi. (…) Et j’avais la stupeur de me savoir composé d’immondices. Je devins abject. (…) Le mépris qu’on me portait se changea en haine : j’avais réussi. » Jean Genet, JDV (1)

     Il y a un siècle naissait Jean Genet, dont l’œuvre  scandalisa les contemporains et, encore aujourd’hui, paraîtra scandaleuse à beaucoup de lecteurs. Ce ne sont pas seulement les ingrédients de la recette qui font se soulever les estomacs, à savoir : vol, homosexualité brutale, scatologie, prostitution, trahison et meurtres, mais le fait que l’auteur bâtit une esthétique du Mal,  sur ce qu’il nomme l’abjection. Nous discernons là comme une affectation des choix les plus ignobles, qui choque

le Juste, pour employer la terminologie sartrienne.

En outre, l’horrible jeunesse de Genet nous fascine parce que, selon Sartre, elle est « l’envers de notre liberté ». Nous voyons, en Genet comme au miroir déformant, ce que nous deviendrions, si nous cédions à notre potentielle noirceur.

    Tout semble déjà dit.  Dans l’imagerie littéraire, Genet restera démoniaque. Il l’a voulu ainsi et il y a trop bien réussi. Pour autant, cela n’est qu’une face de cet écrivain à la plume somptueuse. Je vais m’essayer à prouver que l’œuvre de l’ex voyou ne contient pas que de l’ordure. A ce propos, citons Sartre :

    « Mon casier judiciaire est vierge et je n’ai pas de goût pour les jeunes garçons : or, les écrits de Genet m’ont touché. S’ils me touchent, c’est qu’ils me concernent. S’ils me concernent, c’est que j’en peux tirer profit. » (Quatrième de couverture de QDB)

    Les livres de Genet causent  le scandale parce qu’ils nous touchent au plus près, par la contestation radicale de nos valeurs.

Genet nous désarçonne mais, si nous le lisons avec profondeur et générosité, nous sortons changés de ses labyrinthes, car il ébranle nos certitudes. Essayons de comprendre pourquoi Genet nous ensorcelle.

 Noyau de la thèse sartrienne : « la crise originelle » dans Saint Genet, comédien et martyre

     Né de père inconnu en 1910, abandonné par sa mère en 1911, pupille de l’Assistance Publique dès 1919, Genet souffre du stigmate de la bâtardise.  Egaré dans ce monde de propriétaires, où l’enfant ne possède rien, il se sait exclu : la Terre est quadrillée de clôtures. Le paysage est placé sous haute surveillance.

  

(1) Clés des abréviations dans la bibliographie, en page…  

 

Pour aller plus loin...

  • Conférences sur l’œuvre de Jean Genet, données par Yann Le Puits, en juin 2009, pour l'association le LAC, (Atelier de Littérature Contemporaine) à Tours, puis en janvier 2010, avec Jean-Pierre Lautman, auteur de La plume indomptée, à Saint-Avertin. 
     
  • L'article est paru simultanément dans les revues Florilège et Art et Poésie de Touraine, à l'automne 2010. Cette parution a reçu un écho très favorable dans la revue Oniris, en Belgique, en décembre de la même année.
     
  • Enfin, l'article de Yann Le Puits suivait, dans Florilège, celui d'Albert Dichy, spécialiste reconnu de Jean Genet. 

Écrit par lepuits Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.