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11/02/2012

Intermède grotesque et néanmoins édifiant

 

   Intermède grotesque et néanmoins édifiant


(Extrrait de Hautes sources, vastes estuaires)

 

    Avant même d’ouvrir un livre, il est bon, c’est-à-dire pratique, plus rapide, rationnel (O moderne trinité de notre catéchisme d’athées !) de voir sur la couverture un petit mot qui classera l’objet dans une catégorie connue, un mot qui d’avance définira cette marchandise (pardon ! Ce « produit » ! Parlons le jargon de notre époque !) que, peut-être, nous allons acquérir ou emprunter.

     La précaution éditoriale nous rassure. La classification/ définition nous épargnera, il est vrai, de laborieuses recherches parmi les rayons si formidablement encombrés de la librairie – ou de la bibliothèque, si l’achat du livre, pour nous, demeure inenvisageable luxe.

     Alors, dans ces conditions de saine et constructive coopération entre l’auteur (car, même s’il est lointain et sans visage, il existe !) l’éditeur, le libraire et le lecteur, sans oublier la lectrice, pour ne point froisser la sensibilité féministe, croyance primordiale de notre époque pourtant vouée à la destruction de la transcendance, que penser de l’ostrogoth qui propose d’inclassables tapuscrits ?

     Ce vandale, afin de tromper la vigilance littéraire et commerciale de l’éditeur (nous voulons croire que l’ordre des adjectifs correspond à la réalité des priorités) ce voyou, donc, inscrira par exemple le mot « contes », ou « nouvelles », ou bien « roman », sous le titre de son ouvrage.

   Ah, le roman ! Voilà le genre supérieur, le nec plus ultra de la littérature ! En dehors de lui, n’espère point de salut, toi, l’obscur plumitif ! Oublie plutôt l’espoir d’être édité. La première question que les gens te posent, lorsque tu oses mentionner le malheur d’écrire, se formule ainsi :

     « Vous écrivez des romans ? »

     La phrase, malgré le ton vaguement interrogatif, n’est pas une question. Nous l’interpréterons plutôt comme une affirmation, de surcroît péremptoire.

     Vous vous déclarez, sans l’avis ni l’aval de personnalités compétentes, « écrivain ». Donc vous prétendez rejoindre l’élite pensante. Cela est grave. Ne plaisantons pas à propos d’une aussi sérieuse activité : la littérature ! Surtout en cette belle patrie, qui sait si bien se rengorger et lancer son « cocorico ! » sur son tas de fumier !     

     La littérature, Monsieur le Prétentieux, refuse les amateurs, les penseurs aux faibles neurones. Pour occuper une place dans ce métier (la vôtre ou celle d’un autre) il vous faut du souffle et de l’ampleur, diantre ! Comment ? Vous ne produisez que des nouvelles, des contes, et, pire encore, de la poésie ?

      Oui, d’accord, je vous le concède, ces amusettes se rangent sous l’appellation précitée, mais vous conviendrez avec moi que tout cela n’est pas très … sérieux. A ces genres mineurs, il manque l’essentiel, dont déjà nous avons parlé, à savoir le souffle et l’ampleur, puisque vous m’obligez à répéter.

      Votre mémoire est défaillante ? C’est inquiétant à votre âge ! Prenez du magnésium, comme mon arrière grand’mère, qui est centenaire. Cela lui réussit plutôt bien.     

     Reconnaissez que pour les deux qualités, dont cette fois-ci je ne répéterai pas les noms, le roman est imbattable !