22/04/2012
Une visite à Meinerzhagen
Une visite à Meinerzhagen
Il y a quelques années, j’ai commencé d’apprendre l’Allemand. Je n’ignore pas que c’est démodé. Qui veut apprendre l’Allemand de nos jours ? C’est difficile ! Voilà les deux maîtres mots : difficile et démodé. Un troisième apparaît à leur suite, qui complète la terrifiante trilogie : ringard. Tant pis pour moi. J’eusse dû d’abord consulter le Code du Politiquement Correct. Je l’avouerai sans honte : voilà d’excellentes raisons pour aborder l’apprentissage d’une langue, à l’approche de la cinquantaine.
Au début de 2OO3, un habitant de Meinerzhagen, la ville jumelle de Saint-Cyr-sur-Loire, et moi-même avons établi le contact. Echange épistolaire intensif pendant plusieurs mois. Karlheinz connaît l’Anglais, et moi aussi, mais il m’écrit dans sa langue, et je lui réponds dans la mienne. Au cours de l’été 2OO3, Karlheinz et Ursel, son épouse, nous ont rendu visite à Saint Cyr. A leur retour en Allemagne, Karlheinz, qui écrit pour le journal local, fit paraître un article élogieux sur la Touraine et, tant pis si notre modestie doit en souffrir, sur … les hôtes !
Le premier geste des Buchwald, à leur arrivée chez nous, fut de nous donner un plan et des explications pour se rendre chez eux. Pourrait-on être plus clair ? La correspondance a continué, et, cet été, nous sommes allés à Meinerzhagen. Parlons d’abord de l’accueil. Les Buchwald nous attendaient à la gare de Cologne (situé à 7O kilomètres de leur lieu d’habitation) un petit drapeau français dans la main. Nous avons déposé nos bagages dans leur voiture, et commencé illico par la visite de « Köln ». Je ne parlerai pas de la cathédrale, si connue que ce serait faire injure au lecteur que la lui présenter. Ces mots suffiront : colossale, très impressionnante, intérieur d’une grande clarté. Lorsque nous sommes arrivés chez eux, le repas était déjà prêt. Ursel avait tout préparé à l’avance. Le lendemain, Karlheinz nous a réveillé au son de l’accordéon, et nous avons visité Münster. Les Buchwalds savent recevoir, c’est indubitable.
Nos correspondants et amis ont 62 ans et sont à la retraite. Ils étaient tous deux professeurs, lui d’Allemand et d’Anglais, elle d’Art. Si des gens réussissent leur retraie, ce sont eux. Depuis 3O ans, Karlheinz écrit des scénarios pour spectacles de marionnettes, lesquelles sont fabriquées par des Polonais, des Slovènes, des Autrichiens et des Allemands. Du temps des deux Allemagne, il en a fait passer « clandestinement » de l’Est vers l’Ouest. Acte hautement répréhensible, qui était passible de prison… à l’Est, bien sûr. Le couple Buchwald poursuit encore cette activité, avec succès. J’ai lu l’un des scénarios. Karlheinz a de l’humour ! Chez eux, ils conservent les marionnettes : diables rouges et noirs, princesses, rois, sorcières, fous, etc.… C’est passionnant.
De plus, Karlheinz et Ursel jouent des instruments bourbonnais, lui la cornemuse, elle la vielle. Ils nous ont donné des échantillons de leur répertoire. Ce fut un bon moment musical et… une découverte de notre patrimoine !
Non contents de cela, ils dansent, chantent, et, plus récemment, ont joué dans une pièce de théâtre avec des professionnels. Au total, ils donnent des spectacles en France, Belgique, Autriche, Angleterre, Hollande, et bien sûr en Allemagne. Il va sans dire qu’ils ont des amis partout en Europe, en particulier en Irlande, où vit l’une de leurs filles. Ils parlent bien l’Anglais et ont une bonne connaissance du Français.
Depuis qu’elle est libérée de ses obligations professionnelles, Ursel peint. Elle réalise de grands tableaux, où dominent le jaune et le bleu, pleins de vie, de gaieté : portraits, paysages, fleurs. C’est un art fait de suggestions. Bientôt, il n’y aura plus assez de murs pour les accrocher !
La salle de séjour des Buchwald vaut d’être visitée. Nous n’en avions jamais vu de pareille. Elle est divisée en trois niveaux, reliés les uns aux autres par quelques marches. Le premier est artistique : livres, instruments de musique, marionnettes et tableaux. Le second est celui de la détente : fauteuils, canapés, télévision. Au troisième niveau, on se blottit près de la cheminée, mais on retrouve les livres, du sol jusqu’au plafond. Pour atteindre les étagères supérieures, il faut grimper à l’échelle. Nos hôtes nous ont dit qu’il y a moins de neige chez eux, comme partout hélas. Imaginer un hiver allemand, neigeux à souhait, près de la cheminée, avec à portée de main une pareille réserve de livres, tandis que la radio vous distille Bach, Mozart et Beethoven et Schubert, que souhaiter de mieux ? En août, il ne neige pas, évidemment, mais nous avons tout de même eu droit au feu de cheminée, un soir. Avec un peu d’imagination, nous aurions pu créer l’hiver autour de nous. « Sehr gemütlich », comme ils disent. C’est presque intraduisible. En Français, le mot le plus proche serait « douillet ».
Bien sûr, nous avons visité Meinerzhagen et ses alentours. Notre ville jumelle possède une église du XVII siècle, où l’on trouve des traces de l’édifice du XIII siècle. En 1913, un incendie a détruit la plupart des maisons anciennes, mais il en subsiste quelques unes autour de l’église. La vieille pharmacie mérite un examen.
L’événement local le plus important, c’est « das Shutzenfest », qui se produit une année sur deux, et dure quatre jours en août, du vendredi au lundi. Il s’agti d’abattre à coups de fusils un grand oiseau de bois, accroché dans une boîte en haut d’un mât. On commence par des armes de petit calibre, puis on augmente la puissance de tir. Les différentes parties de la cible tombent l’une après l’autre. Le gagnant est celui qui achève d’abattre l’oiseau. A la fin de la fête, il devient Roi, et le sera deux ans plus tard, pour la fête suivante. Mais c’est une royauté peu convoitée, car elle coûte la bagatelle de 5OOO euros. Royalement, sa Majesté offre trois verres de bière à chacun des participants. Son épouse devient la Reine. Elle doit aller s’acheter précipitamment une belle robe longue. Nous avons vu les photos de la « Schützenfest ». Tout le monde est très élégant. Quatre nuits de festivités. On se couche tard, ou tôt le matin, comme on voudra. Ceux qui peuvent se le permettre prennent des congés. La première nuit, on défile aux flambeaux. Chaque jour, le canon tonne douze fois, la fanfare défile. La tradition remonterait à 1463, date à laquelle les habitants organisèrent leur autodéfense avec succès.
Beaucoup plus modestement (mais ça fait plaisir) Meinerzhagen compte maintenant une « St Cyr allée ». Nous l’avons vue et avons eu l’honneur d’être photographiés devant le panneau d’entrée ! Ce fut pour nous l’occasion d’apprendre qu’il existe un rond-point de Meinerzhagen, au bord de la Loire. Nous avons rougi de notre ignorance.
Du côté sportif, les Buchwald s’associent avec le meilleur ami de l’homme. Ils ont deux chevaux, qui vivent librement dans un grand terrain. Pour se protéger des intempéries, il leur suffit de pousser la porte de l’écurie. Partout, il y a de très belles balades à faire, car la région, le « Sauerland », en Westphalie, est superbe. La ville la plus proche de Meinerzhagen est à 25 kilomètres. Le Sauerland est une succession de collines boisées, les plus hautes atteignant 8OO mètres. Entre les collines, des lacs, artificiels ou naturels, généralement très vastes. Ils forment une énorme réserve d’eau, de grande qualité. Ainsi, Meinerzhagen possède un réservoir, où les traitements sont à peine nécessaires.
Ce voyage nous a permis de découvrir une poétesse en fait très connue en Allemagne, Annette Von Droste-Hülshoff, née en 1797, décédée en 1848. De son vivant, elle resta malheureusement obscure. Comme pour beaucoup d’artistes de valeur, la célébrité ne lui fut accordée qu’après sa mort. Son père était un riche banquier, qui publia ses livres à compte d’auteur. Il fit aussi construire pour elle une maison pleine de charme, dans un cadre champêtre, plein d’agréments. L’architecte, Johann Konrad, est connu pour ses réalisations à Munich et Berlin. Il donnait dans le style baroque et conçut les plans du château de Wassenbürg, qui appartenait à la famille de la poétesse.
Nous ne sommes restés que quatre jours chez les Buchwald, mais nous aurions pu « nous incruster » beaucoup plus longtemps si nous avions voulu profiter de leur généreuse hospitalité. En résumé, la visite fut des plus profitables, et nous attendons maintenant celle de nos amis allemands, pour l’été prochain. Mit freundlichenen Grüssen. Auf Widersehen !
10:36 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (0)
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