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22/05/2012

La récupération (Premier épisode)

La récupération (Premier épisode)

 

 

    Dans ce comté  peu connu d'Angleterre, le Swampshire, ainsi nommé à cause des nombreux marécages qui parsemèrent longtemps ses paysages de leurs taches glauques aux fonds vaseux,  desquels se dégageaient des vapeurs délétères, existe une ville moyenne appelée Eviltown. (1) Dans aucun guide touristique vous ne trouverez mention de cette localité, dont le passé fut aussi trivial qu'est banal son présent. Quant aux marais, ils ont été peu à peu rayés de la carte, les autorités locales ayant décidé de les drainer, afin d'assainir l'atmosphère. Avec ces lieux fangeux ont disparu les légendes maléfiques, dont l'origine se situait dans l'observation d'émanations gazeuses, qui, au sortir de l'eau, s'enflammaient.

    A Eviltown règne une routine jamais démentie. Les événements notables y sont l'ouverture, à dix-huit heures, des "public-houses", inimitables institutions consacrées au culte de la bière ; et, le dimanche, en sus des inévitables offices, dans les différentes églises qui se concurrencent farouchement pour séduire la clientèle chrétienne en voie d'extinction, les également rituels matches de cricket, seconde religion de ces insulaires, la première étant l'idolâtrie footballesque.

    Le seul édifice présentant quelque intérêt  dans Eviltown, c'est son hôpital, qui fut créé au XIX siècle et baptisé Gloom and Doom's Hospital, (2) en souvenir de ses deux co-fondateurs, médecins visionnaires dont le "hobby" consistait à prêcher la repentance, car, prétendaient-ils, l'apocalypse et le Jugement Dernier s'approchaient à la très vive allure des premiers trains à vapeur. Ces prophètes d'une ténébreuse fatalité, qui enjoignaient leurs frères et soeurs en perdition à renoncer au mal, ne furent guère entendus.

    Jusqu'à une date récente, les services existants à l'hôpital suffisaient à satisfaire les besoins ordinaires des résidents ; lorsqu'un traitement plus complexe, ou une opération risquée, s’avéraient nécessaires, il fallait se diriger vers de plus grandes villes, dotées d'installations plus modernes et d'un personnel mieux formé. Aussi, la création à Gloom and Doom's Hospital d'un service spécialisé dans les greffes d'organes, et dirigé par un certain Dr Quack Rascal, (3) dont les journaux assurèrent qu'il s'agissait d'un chirurgien de renommée mondiale, surprit et flatta les  habitants.

    On affirmait que ce Docteur avait été formé dans l'une des meilleures universités américaines. Il semblait qu'il  eût  inventé des techniques chirurgicales originales, qui permettraient de réduire les risques de septicémie et d'arrêt cardiaque, ainsi que le rejet des organes greffés, en écourtant les interventions. De ce fait, le temps de récupération, tant à l'hôpital que chez soi, serait également abrégé. En quoi consistaient précisément les méthodes du novateur, nul, ses collaborateurs immédiats exceptés, ne le savait. On supposait qu'elles devaient être révolutionnaires, et que le chercheur attendrait de les avoir perfectionnées, avant de les révéler à l'admiration du public.

(1)           Eviltown, ou ville du mal.

(2)           Doom and Gloom, soit : Destin funeste et atmosphère sinistre. Les doubles o se prononcent comme dans « moon », c’est-à-dire ou long.

Quack Rascal, soit Charlatan Racaille.   

19:05 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

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