Monsieur le Prince de la Jactance

Monsieur le Prince de La Jactance (1)

 

 

    Il parle, il cause, il jacte, aux mots il enfile d’autres mots, accumule les phrases, déverse sur nos têtes des torrents de paroles, s’enfle d’importance, d’air gonfle sa poitrine, s’apparente à la baudruche, débute chaque clause par un « Moi, je » qui nous rappelle l’intangibilité de sa Majesté, développe et détaille l’ampleur et la grandeur de ses projets, ne s’enquiert de l’avis de personne, sur sa lancée poursuit mais ne perd le souffle, tandis que nos oreilles bourdonnent si fort que nous nous croyons au milieu d’un essaim d’abeilles, et lui s’étonne que, selon notre tempérament, soit nous nous assoupissons, soit nous moulinons des bras, afin d’éloigner les butineuses…

    Pitié pour les spectateurs victimes !

    Non, il n’éprouvera nulle pitié. Même lorsque, à force d’acharnement loquace, il aura nettoyé les alentours de toute présence humaine, même seul, il délibérera encore, jusqu’à épuisement de la salive.

    Soyons charitables : fournissons-lui les hectolitres d’eau nécessaires à ce grand œuvre du monologue parfait.

 

(1)           Extrait de « Vivantes caricatures »