05/10/2012
Une très juste erreur (1)
Une très juste erreur
(Nouvelle, extraite de Au creux du Styx)
Z… abandonne, sur la banquette du compartiment de seconde classe, le roman que, durant le voyage, il a parcouru, telle une locomotive douée d’une extrême vélocité, sans souffler comme les tortillards d’antan, sans ralentir pour enregistrer les signaux qui parsèment la page : courbes des virgules, points définitifs, parenthèses qui l’une vers l’autre s’inclinent, points-virgules androgynes, guillemets bavards, points d’interrogation bourrés de doute et d’inquiétude, points d’exclamation qui sautillent d’enthousiasme, deux points qui ouvrent leur fenêtre, tirets qui voudraient se rejoindre pour tracer sur le texte un seul trait destructeur.
Z… n’a pas pour habitude de s’embarrasser de livres, objets trompeurs qui, avant que vous ne les ayez lus, peuvent paraître légers, mais si vous les conservez, alourdissent la tête d’une masse de rêves (comme une pierre dans un sac attaché au cou) vous contraignant par le souvenir à parcourir de nouveau le chemin qui vous a conduits jusqu’à leurs mirages. En le délaissant, Z… écarte le risque de la reprise, la réouverture, la relecture et la chaîne des réflexions qui s’ensuivraient.
Pour ce qui concerne le livre que Z… a lu, l’histoire lui a paru invraisemblable et farfelue, l’auteur voulant y faire accroire un impossible imbroglio, qui aurait abouti à une implacable erreur administrative et judiciaire. Ce serait l’innocence même de l’accusé qui le condamnerait !
08:29 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)
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