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12/12/2012

La statuette (1)

La statuette (1)

 Premier épisode

      Lorsqu’Angel Delapesadilla se réveilla, le soleil ne s’était pas encore hissé au-dessus de l’horizon; en aurait-il la force? De toute la journée, le verrait-on? C’était douteux, car l’hiver, humide, terne et gris, s’était imposé dans le pays. La lumière du printemps ne l’en chasserait pas de sitôt. Angel détestait cette atmosphère de spleen baudelairien, que lui-même n’aurait pas qualifiée ainsi, ignorant presque tout de la poésie.

 

    Malgré la difficulté qu’il éprouvait à traverser les mois sans couleur ni chaleur, Angel était demeuré là.  Cédant à  cette variété de fatalisme que l’on nomme l’apathie, il n’avait pas cherché ailleurs un autre emploi, donc un autre logement, voire une autre … destinée. L’insatisfaction familière semble trop souvent préférable à ce possible bonheur, qu’il faudrait bâtir sur de nouvelles fondations. Pour accomplir cet effort et plonger dans l’aventure, audace et force avaient manqué à Delapesadilla. Comment, par exemple, pouvait-il supporter l’affreuse sonnerie du réveil matin? Il aurait pu changer l’objet, en acheter un autre, dont l’alarme eût été moins stridente, plus supportable. Ce « projet » faisait partie des innombrables gestes qui restent à l’état de chimères. Angel, agressé par le vacarme du détestable machin, se promettait que le soir même, au sortir du bureau, il irait chez un horloger, écouterait diverses sonneries, et, parmi elles, choisirait la plus agréable. Le soir venait, Angel quittait le bureau, aussi peu enclin que la veille à réaliser l’achat. Demain, il le ferait. Oui, cela pouvait attendre encore un peu. Par ailleurs, s’il y réfléchissait bien, était-ce la sonnerie qui l’indisposait, ou le fait même de se réveiller à cette heure trop matinale, avant le jour, imposée par les nécessités du Service? Aurait-il mieux supporté l’aigre appel, s’il avait interrompu le sommeil une heure plus tard?  

    Enfin, l’employé se sentait vraiment trop fatigué, trop abattu. Les relations avec les collègues étaient si difficiles. Alors, comment affronter la goguenardise ou l’obséquiosité du commerçant? Comment lui expliquer que lui, Angel Delapesadilla, désirait un réveil mélodieux? Une telle merveille pouvait-elle exister dans une ville condamnée à la grisaille?

   

(1) Nouvelle extraite de Au creux du Styx, onze textes, 238 pages, 12 euros, frais d’envoi offerts, payable par chèque ou avec Paypal. Livraison garantie dans les huit jours suivants le peiement.

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10:02 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

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