25/11/2013
Jean Genet 6
Jean Genet : Vers une écriture réflexive 6
Parlons de la parenté formelle entre Proust et Genet. Le second a déclaré avoir lu A l’ombre des jeunes filles en fleurs en prison. De cette lecture il garda une très forte impression. Proust et Genet partagent, d’une part, le même goût pour l’attitude esthétique face au réel et, d’autre part, cette propension à la ruse, qui les pousse à s’introduire dans un milieu social, Proust chez les snobs, Genet parmi les voyous, pour ensuite décortiquer et railler travers et sottise.
Si cinq des livres de Genet parurent sous l’étiquette romans, il n’y faut voir que la nécessité de rassurer le lecteur, qui veut acheter une marchandise aux caractéristiques connues. Genet lui-même n’entretenait aucune illusion à ce sujet, si nous en croyons les paroles que nous a rapportées Sartre :
« Mes livres ne sont pas vraiment des romans, car aucun des personnages n’y prend de décision par lui-même. »
Puis, Sartre analyse de quelle façon « maniaque » Genet programme la destruction de ses personnages, dont il annonce la mort au début de chaque livre. Prisonnier, impuissant à maîtriser le destin, Genet se comporte en démiurge sadique à l’égard de créatures, dont certaines sont chargées de réaliser, dans le théâtre d’ombres, divers aspects potentiels de sa personnalité, par exemple le travesti prostitué ou le maquereau, le voleur et l’assassin.
L’épaisseur psychologique est absente ; Genet l’avoue sans ambages : tous ces « petits mecs » se ressemblent. Ils sont méchants, sots, pervers, cruels, lâches, prêts à se trahir mutuellement. Leur beauté physique n’enferme que laideur morale.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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