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25/10/2014

L'apéritif des notables 5

L’apéritif des notables 5

 (Extrait de Et passent les rats)

 

   La comédienne et le comédien restent en scène, mais ne croient plus au rôle qu’ils s’efforcent de jouer. L’âme évidée, nonchalamment, ils imiteront les pirouettes et les pitreries de leur existence passée, comme s’ils voulaient faire passer le toc pour de l’authentique. Mal leur en prend : la voix sonne faux, les mots sont usés comme des vieilles chaussettes, des trous d’absurdité s’ouvrent malignement au cœur des significations, par où fuit la substance du langage. Lutter contre cela ? Autant placer son corps dans une fissure de digue, aux Pays-Bas, pour empêcher la mer d’inonder villes et polders…

    Ces dames et ces messieurs traversent la place, vont s’asseoir dans leur bar d’élection, le plus élégant, le plus confortable, où leur est réservée la plus intime des salles, moquettée, aux murs couverts de velours sable, garnis de tableaux représentant diverses vues de Santa Soledad et de ses environs : les péristyles et frontons armoriés de faux marbre des édifices publics, la cathédrale Santa Trinidad de los Castigos avec sa girouette au bec si crochu, le Rio Sangriento buvant les pourpres du couchant, et même une photographie de grandes dimensions représentant l’aigle d’or aux ailes déployées, dont les yeux luisent sinistrement. Il en faudrait beaucoup plus pour apeurer les notables et leurs chastes épouses… 

   

10:10 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

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