Au creux du Styx
Préface
« Lecteur paisible et bucolique,
Sobre et naïf homme de bien,
Jette ce livre saturnien,
Orgiaque et mélancolique.
Si tu n’as fait ta rhétorique
Chez Satan, le rusé doyen,
Jette ! Tu n’y comprendrais rien !
Ou tu me croirais hystérique. »
En lisant ces nouvelles, déjà conditionné par le titre poétique et « infernal », Au creux du Styx, j’ai eu instantanément la réminiscence de ces vers de Baudelaire (Epigraphe pour un livre condamné) mettant en garde les futurs lecteurs des Nouvelles fleurs du mal.
En effet, quoi de moins paisible, quoi de moins sage que ce recueil où se côtoient, puissamment servis par la langue impeccable et l’imagination torride et dévastatrice de l’auteur, fantastique, érotisme, scatologie, sens aiguisé de l’absurde kafkaïen, humour corrosif qui entraînent le lecteur, abasourdi et heureux, dans un univers à la fois irréel et cependant très proche de nous. Une très juste erreur, qui évoque à la fois Orwell et Kafka, pointe autant l’omniprésence de la sacro-sainte télévision que l’obstination mécanique d’une administration aveugle : sommes-nous si loin de la réalité ?
Yann Le Puits tire à vue, par la force décapante d’un humour sombre qui n’hésite pas à fouler aux pieds les « bienséances » classiques, sur des institutions ou des pratiques aussi « respectables » que l’Université (La conférence) la pédagogie et l’Ecole catholique (La conversion), le métier d’écrivain et la relation personnage/auteur (La rencontre). Il possède aussi l’art de créer des atmosphères inquiétantes ou étranges à souhait.
L’auteur a choisi la nouvelle, genre périlleux et difficile s’il en est. A l’angliciste chevronné qu’est Yann Le Puits, j’ai bien envie de demander : mais pourquoi diable le mot anglais « novel » signifie-t-il « roman » ? Voilà un faux ami qui pourrait induire une fâcheuse confusion. Car les nouvelles (short stories) de Au creux du Syx ont sûrement exigé de l’auteur –par ailleurs romancier- une technique d’écriture sensiblement plus exigeante que celle d’un roman (novel !)
François Tézenas du Montcel
Écrit par lepuits Lien permanent | Commentaires (0)
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