Paraboles
Préface
A-t-on jamais assez remarqué combien le désir d'être publie fait partie intégrante de l'acte poétique; du pacte poétique? En cherchant à publier, le jeune poète aspire à une double reconnaissance: celle des quelques lecteurs qui l'auront jugé sur manuscrit, puis -aventure plus périlleuse encore- celle du public qui découvrira le recueil dans sa présentation définitive.
Il n'est guère surprenant qu'au moment de signer un premier recueil le poète ait la tentation de se cacher derrière un pseudonyme. Luc Pontivy a eu cette tentation, et son choix s'est alors porté sur Yann Le Puits, tout marqué du spectre de la profondeur, de la claustration qui peut se faire conquête pour jouer sur le titre de deux poèmes importants qui composent « Paraboles ».
Luc Pontivy affirme que « Paraboles « est «une prose qui n'a pas la prétention d'être poétique ». Il veut dire par-là qu'il ne s'est point soumis à la versification traditionnelle dont les Symbolistes ont contribué à nous libérer, mais, plus encore, qu'en ne cherchant pas à « évoquer des sentiments », il s'est délibérément éloigné d'un héritage romantique de sentimentalité et de sensiblerie dont il ne ressent plus le bien-fondé. Luc Pontivy désire simplement « raconter des histoires », et cette façon de privilégier le constat au détriment de l'oraculaire s'inscrit parfaitement dans le courant d'une logique démystifiante.
Si la parole de Luc Pontivy se coule dans la parabole, ce n'est pas à des fins mystiques et religieuses. La parabole est plutôt un lieu d'étrangeté où l'angoisse se mue en questionnement infini. Les textes de Luc Pontivy trouvent leur point d'appui dans des dialogues qui donnent le plus souvent l'impression d'être des monologues. Une réponse survient certes à la fin des textes, mais loin de clore le débat intérieur, elle en relance l'inquiétante perplexité. Un étranger ou un exilé: tel est le statut du personnage questionneur qui prend des formes ou des noms déroutants (L'Homme à Trois Yeux, l'Empereur des Cyclopes, l'Homme Vide), quand il n'est pas en butte à un groupe comme la « Nation des Taupes Noires ».
Les pièges sont nombreux et insidieux dans les textes de Luc Pontivy. L'homme est convié à s'alléger de sa cervelle et même de son cœur pour satisfaire un bourreau qui, dès l'enfance, a su imposer sa présence, ses exigences, sa cruauté. Ne voit-on pas, dans une des « Paraboles », un enfant satisfaire sa mère en assumant tout ce dont elle le menace? Et la mère de s'étonner du malheur qu'elle a inconsciemment suscité. Luc Pontivy est à l'affût de ces pièges qu'il constate et énumère avec une fausse froideur kafkaïenne ou qu'il dynamite avec le rire rentré d'un Henri Michaux, façon d'exorciser l'épreuve.
Guetteur de « l'anatomie monstrueuse du destin », Luc Pontivy nous convie tout autant à écouter 1' « Enfant-Question » qu'à nous enquérir de « la solitude d'une catégorie bien précise: les morts ». Ses paraboles brassent toujours la vie en regard de la mort et scrutent ainsi les secrets de « l’anafidélité », mot judicieusement créé par le poète qui l'utilise comme titre d'un de ses textes les plus forts où le dialogue s'efface au profit d'une promesse et d'un serment eux-mêmes effacés.
Mais il convient maintenant que cette préface elle aussi s'efface et qu'elle fasse place aux paraboles de Luc Pontivy.
Daniel LEUWERS
Professeur de Lettres à l'Université de Tours
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