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30/05/2013

Préface à Regard étoiles

Préface à Sous le regard des étoiles

   

 

   Il est rare de trouver du premier coup en lisant un recueil de poèmes autant d’images, de figures de style qui vous sautent au visage à tel point qu’on s’en trouve submergé, un peu comme ces vagues qui, plus fortes que ce que vous imaginiez, vous renversent dès que vous pénétrez dans l’eau. Une telle richesse se passe aisément de la forme traditionnelle du poème telle que nous l’entendons généralement. Ici, la prose poétique n’est pas seulement suffisante, elle s’impose.

 

   Il y a deux façons d’évoquer la création du monde et des éléments. Tout d’abord la scientifique, à grands coups de théories et de calculs, et la poétique, à coups d’images rehaussées par les mots justes, juste les mots. Et voici que les deux se rejoignent. Quelle est la différence entre une explication du big bang vue par un astrophysicien et la création du monde vue par le poète ? Ici, nous sommes à la jonction de la science et de la poésie. Deux mondes qui, depuis toujours, ont été séparés et considérés comme antinomiques. On est un scientifique, cartésien et rationnel, ou un poète, idéaliste et rêveur. Voilà pour la version officielle. Or la réalité est tout autre. Elle nous apprend que le scientifique peut bien être aussi un poète. Tel spécialiste mondial des « trous noirs », l’une des grandes énigmes actuelles de notre connaissance de l’univers n’est-il pas un authentique poète ? Et cet autre, parmi les plus grands astrophysiciens actuels n’est-il pas aussi proche de Baudelaire  que du big bang?

    Grâce à Yann Le Puits, nous apprenons, preuve en mains, que science et poésie sont infiniment plus subtiles et mêlées. Nous montons, de poème en poème, vers cette osmose qui fait du scientifique un poète et du poète autre chose qu’un rêveur se laissant aller à ses éternels états d’âme. N’est-ce pas d’ailleurs un poète, de surcroît maudit par excellence, qui a posé le premier la vraie question qui résumait à elle seule l’une des grandes énigmes de la science de l’époque : « Puisque il y a tellement d’étoiles dans le ciel, d’où vient que la nuit soit si noire ? ». Et ce poète maudit, c’était Edgar Poe. Yann Le Puits n’a  pas la prétention de répondre à cette question, mais il nous donne, au travers de ses poèmes une sorte de genèse  Et tout commence, comme la genèse, par des ténèbres, mais qui vont bientôt se faire lumière et pureté :

   «  Au commencement il y eut le magma, matrice de toutes les possibilités, ventre porteur d’exponentielles fécondités : telle la seconde dans l’éternité de l’heure, s’égrenait chaque millénaire…Partout régnait la Nuit, partout la lumière, insoupçonnée, souterraine, guettait l’heure de son avènement. »

 

« D’avoir été sombres, eaux souterraines, si lumineuses ! »

 

« …source ; en d’autres mots : course de l’eau. »

 

« Source, flamme de fraîcheur ! »

Et cette source, flamme de fraîcheur grandit, la course de l’eau se poursuit. « En ne refusant aucun allié », le fleuve parfois «  martyrise la vallée », sachant bien que même si « mustang fou, il accapare cultures et maisons » et que si « désemparés, les sinistrés l’abhorrent : savent-ils que la détestation ne durera que le temps de l’inondation ? » Et même quand l’été « sable et vase deviennent alors ses maîtres, la crue hivernale restaurera sa dignité » Et peu importe alors sa fin. Est-elle delta ? « Il déploie l’éventail de ses bras; il nous appelle ». Est-elle estuaire ? « L’estuaire n’existe que pour nous échapper. »

« Estuaire et delta: images l’une de l’autre inverses. Idéales réalités, qui se fondent en cette même source, le Fleuve, et l’une par l’autre se fécondent, dans la magnificence des contrastes ».

   Nous ne pouvons que nous sentir directement concernés par ces évocations, nous qui crions au malheur à chacune des crues du fleuve, qui invoquons les dieux, ceux de la genèse, pour mieux tenter de lui échapper. Ici la poésie la plus pure ne rejoint-elle pas le quotidien le plus sordide qui parfois nous accable ?

    Mais le voyage se poursuit entre cataclysmes divers et grondements de geysers 

« Ca se soulevait et gonflait, bouillait et bouillonnait, se distendait et se rétractait, sifflait et grondait, soufflait et ahanait, crépitait puis éructait, giclait et geignait, hurlait et crachait, masses de confusion et d’impuretés, gigantesques boursouflures zébrées de déchirures, foisonnement de particules et jaillissements d’atomes en bouquets, courses infinies des électrons et neutrons, lave universelle, fourmillement de larves, balbutiement des bactéries, fissions toujours démultipliées, cascades et torrents d’explosions, chaînes et déchaînements de déflagrations et conflagrations, labeur de la matière qui travaillait à, et pour elle-même, s’enfanter… ».

« Bouillants fils de la glace » montant « à l’assaut de la lumière » « à travers vous chante et gronde la terre »

    A nous qui avons perdu à la fois la notion d’existence et de vie, qui ne savons ni d’où venons ni où nous allons, répond un poète qui dans de sublimes images nous ramène à l’essentiel et à la réalité la plus crue. La nature est bâtie sur le chaos que rehaussent encore les vents, ces « invisibles puissances » qui «  de n’être vues », les rend « plus terrifiantes encore ! ».

   Mais dans cette purée initiale, dans ces combats et luttes acharnés, même si « L’ Homme n’avait pas même l’heur d’être un projet…» naît déjà le « Rêve d’orgueil irréalisable et fou, comme il sied à la poésie »

   Ah bien sûr, pour apprécier une telle poésie à sa juste valeur, il faut y mettre le prix : celui de l’écoute, de l’effort, en acceptant l’humilité de n’être rien au niveau du cosmos, sinon des poussières d’étoiles, mais avec la certitude que « Par les déments d’aujourd’hui nous arrive la raisonnable face de l’avenir ».

    Images de chaos autant que d’harmonie, parsemées de figures de style, que seul un spécialiste chevronné pourrait peut-être recenser tant elles sont nombreuses, la poésie de Yann  Le Puits nous donne à voir le monde véritablement tel qu’il est, c'est-à-dire tel que nous ne le connaissons pas, car paradoxalement pour l’homme ordinaire que nous sommes, ni la science, ni le peu de connaissances que nous avons ne peuvent décrire le monde, de la moindre source, du moindre ru jusqu’à ce fleuve qui enfante la mer soit par son estuaire, soit par son delta. Et c’est ainsi que par le miracle des images poétiques, se poursuit la quête entre météores, comètes et étoiles, « Ondes et vibrations et secousses et courants de l’univers, qui de partout s’écoulent et d’où découle le poème ».

      « Au commencement était le verbe… » nous dit la genèse de l’ancien testament. Mais ce verbe n’est pas dieu. Il est celui d’un poète « A cœur ouvert/Les sens aux aguets/ Présent à toutes voix de ce monde/ Attentif aux dix mille routes de l’avenir/La vie au bout des doigts », qui restitue en des images splendides l’unité du monde, tellurique et cosmique, dans laquelle se déploie une « victoire de pure beauté, miracle naturel, force et dynamisme, vérité de l’être… »

 

 Christian AMSTATT,

poète et collaborateur de la revue Florilège.

 

Pour l’honneur de

    Cela n’arrive pas si souvent, au cours d’une vie ordinaire…

    J’aurai l’honneur d’être mis à l’honneur, le lundi 3 juin 2013, de 16 à 18 heures, au Pampre Fou (oui, prenez vos pillules anti-folie !) 54 avenue de Grammont, à Tours, dans le cadre des activités d’Art et Poésie de Touraine. Entrée gratuite, dans la limite des places disponibles. Ne riez pas, la salle n’est pas grande. Seule condition : prendre une consommation.

    M. Guy Péricart me présentera, me posera des questions à propos de mes livres ; puis, j’en lirai des extraits et parlerai de l’œuvre de Bernard Clavel.          Ensuite viendra le dialogue avec le public. Pour finir, je dédicacerai mes livres. Venez nombreuses et nombreux !

 

Le très obscur et l’indigne Yann Le Puits 

09:21 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)

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