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01/06/2013

Préface Haistybradu

Préface à Voyage au Pays d’Haistybradu

 

   Qui lira ma préface, en dehors de quelques curieux peu farouches et de l’éditeur ? Les lit-on encore actuellement ? D’aucuns  les trouvent rébarbatives. Certaines sont pourtant restées célèbres comme la préface de Cromwell de Victor Hugo pour le romantisme, celle d’Une voix d’en bas suivie des Echos de la rue (1882) de Savinien Lapointe pour la poésie sociale, ou celle de Pierre et Jean de Guy de Maupassant pour le réalisme. Mais il est certain que l’auteur la lira avec bienveillance. Elle restera entre nous comme le témoignage de notre estime réciproque. Vous avez bein voulu me la demander ; j’ai été bien heureux, mon cher poète, de vous l’écrire. 

    Je dis « poète » car vos premiers pas en littérature sont poétiques, à l’image du peuple français qui prit d’assaut la littérature avec la Révolution française. Depuis ce temps, les classes laborieuses font des vers, particulièrement entre 182O et 187O, avec une prédominance dans les années 184O. De ce fait, la poésie devient populaire, en dépit du fait que les éditions se font plus discrètes de 187O à nos jours. Même non éditée et pratiquée dans le plus grand secret à l’abri des regards indiscrets, elle reste le moyen d’expression préféré, avec les récits autobiographiques, des écrivains comme des anonymes. Elle est loin actuellement de rencontrer les suffrages des maisons d’éditions, lieux –cela peut se comprendre- essentiellement commerciaux : la mode est au roman et au récit. Il faut faire le moins savant possible, ce qui demande parfois un grand talent. Les écrivains appliquent les leçons du marketing à la littérature : il faut se répéter sans cesse dans un récit simple non seulement pour que le lecteur aime, mais surtout pour que l’acheteur reconnaisse ; car il y a davantage d’acheteurs que de lecteurs ! La poésie demeure toutefois dans les esprits comme le meilleur moyen d’exprimer ses sentiments, son exaltation, sa peine, son amour, sa souffrance. C’est un paradoxe difficile à expliquer dans la mesure où l’écriture poétique n’est pas « naturelle » de prime abord. L’on n’apprend pas le langage aux enfants dans le but qu’ils poétisent. Cette démarche vient donc plus tard, une fois le centre du langage parachevé vers six ans, constatent les linguistes spécialistes en sciences cognitives. Par sa forme, l’écriture poétique sculpte pour ainsi dire la langue à son image : elle est façonnage, construction, modelage ; sans doute ressemble-t-elle à son créateur-auteur qui n’a de cesse de transformer le monde qui l’entoure ou qui le voit à travers un prisme déformant.

    Il n’est donc pas étonnant qu’elle fût considérée comme trompeuse, tel ce volume de Yann Le Puits, bien qu’il ne soit pas poétique, en dehors de certains passages qui ont encore du mal à s’écarter du sentier originellement suivi, vecteur nécessaire à la recherche du « moi ». L’enseigne extérieure –le titre- ressemble peu au contenu de la boîte : il ne s’agit pas d’un récit de voyage. L’auteur a évolué dans son registre en passant du vers à la prose ; il écrit moins sur lui-même et sur son passé ; il semble guéri des blessures d’antan. Il explore à prséent la face cachée et noire tapie autour de nous, ce qui est peut-être un moyen détourné de trouver sa place dans la société ou en tant qu’écrivain. Dans les premiers temps, l’ouvrage s’appelait Invraisemblances. En effet, l’invraisemblance et l’étrangeté dominent : de même que « l’absurdité » dont le titre définitif est l’anagramme phonétique. L’écrvian est un ancien écorché vif qui cherche des réponses. Conscient qu’il ne les trouvera pas, malgré une « scripturothérapie », vieille d’un quart de siècle, il pose des questions sur le monde, la société, dont il dénonce, tel un satirique, les paradoxes. Si l’écriture de soi est à la mode depuis Rousseau qui l’a lancée, Yann Le Puits ne choisit ni le roman, ni l’autobiographie. Il écrit à contre courant, non pour plaire, mais pour bousculer, provoquer, voire dégoûter si l’on se refère à son premier recueil poétique : L’insoutenable : éléments pour le diagnostic d’une névrose. Fondettes, chez l’auteur, 1979. Le Voyage au pays d’Haistybradu est constitué d’un métal de meilleur aloi en valeur, car l’auteur demeure malgré tout soucieux du lecteur, qu’il ne veut pas ennuyer en l’enfermant dans les gangues d’une lecture ordonnée : il a abandonné l’idée de textes organisés en triptyques. Son œuvre fait donc référence au placere et à la captatio beneuolentiae chers à La Rochefoucauld.

     On peut dire que son recueil est une sutie de « nouvelles satiriques ». « Nouvelles » est pris au sens générique de « récits brefs » ; de ce fait, elles peuvent aussi bien déisgner des « nouvelles » (genre littéraire au sens spécialisé) que des « contes ». « Satiriques » comprend le sens ancien de « variés » et le sens moderne de « médisants ». Yann Le Puits mélange donc les genres, les formes et les tons. Il mêle également les langues. Il propose un texte bilingue (Anglais/Français) dans The foe. L’enchanteresse, nommée Fairy, n’est pas sans évoquer le « Petit Peuple de Féerie » (sens générique de fairy en Anglais) des contes. En réalité, il s’amuse énormément, Yann Le Puits ! Il plonge, comme la célèbre Alice connue des enfants de tous les pays, dans le puits de sa vision déformée du monde sensible. Les lois ne sont plus les mêmes. Rien ne perturbe le rythme de son usine à sarcasmes. Il produit à la chaîne du bizarre et du paradoxe. Il tresse l’étrange avec le normal, l’imaginaire avec le réel, la déraison avec la logique. Il nous propose donc un duel féroce et inquiétant dans un univers fantasque, comme dans Eviltown, le Gloom and Doom’s Hospital ou Haistybradu, peuplé de curieux personnages oxymoriques, tels que Fairy Witchcraft, le Docteur Quack Rascal ou Tiny Giant. La dichotomie lumière/ténèbres récurrente rappelle de manière dégusiée la part autobiographique et psychologique de l’œuvre. La lumière est le symbole de l’illumination devant faire face aux ténébreuses réminiscences du passé chaotique. La recherche existentialiste est d’ailleurs patente dans L’absorption. L’œuvre s’interroge sur la vie et sur la mort. Mais au fait, Sénèque a déjà répondu sur ce qu’était le néant dans ses Epistelae ad Lucilium : il fait partie de la vie et nous l’avons déjà côtoyé, puisque c’est l’état dans lequel nous nous trouvions tous avant de naître !

    Après avoir passé plus de vingt ans à composer dans l’ombre plusieurs ouvrages « auto-édités », Yann Le Puits voit enfin la lumière tant recherchée en publiant un premier recueil de textes aux Editions Findakly en 1999. Un autre se profile : Voyage au pays d’Haistybradu. L’écrivain a mûri : son travail est pensé et réfléchi avec la distance critique suffisante pour être lucide. Mais il y a un moment où il faut arrêter l’œuvre pour la livrer au public, si imparfaite apparaît-elle aux yeux de son auteur. Les anciens prétendaient que chaque livre a son destin. J’espère, sans être prophète, une belle fortune au nouveau volume de Yann Le Puits, qui a su exploiter, dans la mine d’or de l’imagination, un filon de la réalité.

      Tours, le 28 juin 2003.

      Frédéric-Gaël Theuriau, Docteur ès Lettres, Directeur du Centre d’Etudes Supérieurs de la Littérature. 

 

 

Le Très Déshonorable

    Cela n’arrive pas si souvent, au cours d’une vie ordinaire…

    J’aurai l’honneur d’être mis à l’honneur, le lundi 3 juin 2013, de 16 à 18 heures, au Pampre Fou (oui, prenez vos pillules anti-folie !) 54 avenue de Grammont, à Tours, dans le cadre des activités d’Art et Poésie de Touraine. Entrée gratuite, dans la limite des places disponibles. Ne riez pas, la salle n’est pas grande. Seule condition : prendre une consommation.

    M. Guy Péricart me présentera, me posera des questions à propos de mes livres ; puis, j’en lirai des extraits et parlerai de l’œuvre de Bernard Clavel.          Ensuite viendra le dialogue avec le public. Pour finir, je dédicacerai mes livres. Venez nombreuses et nombreux !

 

Le très obscur et l’indigne Yann Le Puits 

10:15 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)

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