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19/06/2013

Le gêneur innocent 1

Le gêneur innocent 1

 

     Toujours et partout, l’artiste nommé Thomas Meddler sut qu’il gênait les autres. Il avait ce savoir intuitif des gens dont la réflexion, à cause même de sa profondeur, paraît lente. De très sérieuses affaires pressaient les gens. Leurs mouvements étaient nécessaires et s’avéraient souverainement efficaces, du moins aussi longtemps que sa profondeur ne les entravait pas. Certes, il n’aurait pas dû se trouver là. Pire encore : il eût fallu qu’il se trouvât en un ailleurs, si lointain que personne, même muni de jumelles ou d’un télescope, n’aurait pu l’apercevoir. Avec l’horizon il se serait confondu. Il serait devenu, de cette ligne mythique, une particule microscopique. 

    Les gens le surnommèrent « le Gêneur » ou « le Trouble-fête ». Au cours de réunions familiales ou professionnelles, si les participants se congratulaient de parvenir à l’unanimité, s’ils chantaient les vertus fédératrices des lieux communs, l’empêcheur de bêtifier ne savait  dissimuler ni ses doutes, ni ses plus cruelles vérités. Parfois, excédé d’avoir contenu des remarques jugées déplaisantes ou peu sociables, qu’il aurait pu l’une après l’autre égrener, à condition de les envelopper de mots douceâtres, de considérations suavement édifiantes et de poncifs lénifiants, toutes à la fois il les débondait. Les cibles de ce flot critique étaient atterrées. Quelle mouche porteuse du virus de l’agressivité l’avait piqué ? Pourquoi, soudain, épanchait-il ces vagues de venin ? 

 

Nouvelle extraite de Au creux du Styx

09:29 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

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