23/06/2013
Le gêneur 5
Le gêneur innocent 5
Celui qui fut trop pertinent se taisait. Même dans la solitude de sa demeure, il se refusait à soliloquer. Craignait-il qu’on l’espionnât ? Que fussent enregistrées les phrases cinglantes, dont il avait le peu enviable secret ?
Avant la rupture, déjà il se plaisait à consacrer la majeure partie de sa vie à dessiner, peindre, sculpter, écrire et composer, Son talent était protéiforme. Toile, pierre et papier servaient de réceptacles à ses images et pensées. Ne pratiquant plus que la déglutition, sa langue s’engourdit. A produire des phonèmes elle devint malhabile, perdit sa souplesse et s’empâta. Par manque d’exercice, les cordes vocales s’atrophièrent.
Un matin, face à son miroir, il voulut vérifier le fonctionnement de l’appareil de locution. Ses lèvres frémirent, sa bouche s’entrouvrit, mais aucun son ne put en sortir. Son mutisme était devenu organique.
Nouvelle extraite de Au creux du Styx
09:24 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)
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