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11/07/2013

Le gêneur (23)

Le gêneur innocent 23

 

   Le colosse lâche les deux marionnettes inanimées, qui s’affalent avec un floc peu martial. Les visages tuméfiés offrent une horrible illustration de la force du prisonnier. Trois détonations successives claquent. La formidable masse musculaire croule lentement, mais sans une seule plainte, glisse vers le sol et s’y étale. Dans le souterrain, les détonations rebondissent de porte en porte et de mur en mur. Le vacarme achève d’affoler les prisonniers. De cellule en cellule, la panique répercute et multiplie ses  hurlements. A droite, à gauche, le tohu-bohu met en branle une effroyable sarabande, propre à ôter sa raison à l’homme le plus sensé. Le lieutenant braille. Sa voix doit être sinistrement connue, car elle suffit à imposer le silence.

    Dans le corps de l’homme, les deux premières balles ont fracassé les genoux. La troisième a traversé l’épaule droite. Il vit, mais les blessures le plaquent au sol. Couché sur le dos, le blessé ne cesse d’injurier l’officier, lequel matraque le crâne à coups de crosse. La voix du vaincu faiblit, et ses cris s’espacent. Le sang gicle de sa tête, et sème sur l’uniforme du lieutenant des notes plus vives.

   Nouvelle extraite de Au creux du Styx

 

  

 

 

09:26 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

10/07/2013

Le gêneur 22

  

Le gêneur innocent 22

   Les trois miliciens braquent les gueules des  revolvers en direction du géant. Sa révolte ne se tempère pas. Il se campe sur ses jambes, fortes comme deux colonnes de marbre. Les muscles du  torse et des épaules se bandent, au point de presque se déchirer. Le visage se congestionne. Toute son attitude est un cri pour la liberté.

    Immobiles et impassibles, les miliciens lui ordonnent de se calmer. Le prisonnier hurle encore plus fort sa haine de la Milice et du Comité de Salut Public. Un craquement métallique souligne la déclaration de guerre. Brusquement délié, le prisonnier brandit deux poings aussi gros que des pastèques. Le rebelle bondit en avant. La surprise est si forte que ses ennemis ne réagissent pas assez vite. Le lutteur saisit un milicien dans chaque main. Il les soulève comme des pantins, et les frappe l’un contre l’autre, telles des cymbales. Les arcades sourcilières se fendent, les nez se brisent, les lèvres éclatent, comme les prunes mûres que l’on écrase sous les pieds. Le lieutenant hésite. Tirer, c’est risquer de tuer ses comparses, tant le justicier forme avec eux une masse de chair agitée de sursauts, soubresauts, convulsions, secousses.

     Nouvelle extraite de Au creux du Styx

 

 

 

 

09:17 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

09/07/2013

Le gêneur 21

Le gêneur innocent 21

 

   Ils s’arrêtent pourtant devant la cellule numéro 19, de laquelle s’échappent des phrases articulées, accusatrices et vengeresses :

    «  Ordures fascistes ! Je veux un avocat ! Ouvrez cette porte et laissez-moi téléphoner ! »

     Le rebelle a entendu s’approcher les sbires et leur prise. Il se met à tambouriner contre la porte. Le lieutenant s’arrête, ordonne le silence au récalcitrant, qui lui lance une bordée d’injures et redouble ses coups contre la tôle. L’officier ouvre la porte.   

    Le Gêneur évalue la taille du protestataire à deux mètres. Sa carrure de grizzli emplit le volume exigu de la cellule. La puissance du colosse n’est pas que physique. Dans son visage ravagé par les séances de tabassage, le regard a conservé une redoutable vivacité, Avec fougue et colère, il défie ses tortionnaires. Le témoin présume que l’hercule n’a pu frapper la porte de ses poings, car il tient ses bras derrière son dos, comme si des menottes immobilisaient ses mains. Seuls les pieds ont frappé. Longs, larges et nus, leur voûte plantaire est probablement protégée par une épaisse callosité. 

       Nouvelle extraite de Au creux du Styx

 

 

09:19 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)