Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/07/2013

Le gêneur 17

Le gêneur innocent 17

 

Au milieu de la façade, le portail d’acier s’ouvre lentement et lourdement. L’automobile pénètre dans la cour. Le groupe descend de la jeep, même le chauffeur. Il commence d’arpenter la cour, visiblement satisfait de se dégourdir les jambes. S’arrêtant au milieu du carré, l’homme se campe sur ses robustes jarrets, allume une cigarette, lance une bouffée de fumée vers le ciel livide, enfin se remet à marcher.

    Les trois autres bâtiments ne diffèrent pas de celui qui donne sur la rue. Derrière eux, les vantaux se referment avec lenteur et lourdeur. Comme deux mâchoires se rencontrant, ils claquent. 

    L’un des trois premiers miliciens reste avec le chauffeur. Le lieutenant, l’escorte et le suspect se dirigent vers le bâtiment du fond. Les fumées ont noirci la pierre. Des barreaux hachurent les fenêtres. La crasse opacifie les vitres. Les pavés de la cour sont inégaux et disjoints. Une herbe grise végète dans les fentes. A la base des murs, des soupiraux.  Le prévenu voit chaque détail.

       Nouvelle extraite de Au creux du Styx 

 

 

09:01 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

04/07/2013

Le gêneur 16

Le gêneur innocent 16

 

     La jeep les attend devant la porte du magasin. A la place du conducteur, un gorille au nez cassé, au menton balafré. Les miliciens montrent une déférence particulière pour un trentenaire, assis à côté du conducteur. Il a le visage anguleux, les lèvres minces, le nez aquilin et le regard gris acier, très acéré. A son adresse, les phrases des miliciens commencent par « Mon lieutenant ».  L’officier décide de l’interroger. L’interpellé ouvre la bouche, montre sa langue, laquelle remue faiblement, mais ne produit pas de son. En signe d’impuissance, il lève les mains, paume dirigée vers le haut. Ses lèvres et ses yeux esquissent un sourire, qui ressemble plutôt à une grimace se voulant aimable. En gusie de remerciement,  l’interrogateur le gifle sur chaque joue.   

    «  On t’invite dans notre palace, annonce la brute galonnée. »

    Ils le conduisent au Quartier Général, bâtiment long et noirâtre de cinq étages, aux fenêtres munies de barreaux d’acier, situé dans une rue peu passagère. Nulle fioriture architecturale n’adoucit l’inflexibilité des lignes ou la rigidité des angles. Sur la façade sont inscrits ces deux mots : « Hôpital psychiatrique ».

       Nouvelle extraite de Au creux du Styx

 

 

09:27 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

03/07/2013

Le gêneur 15

Le gêneur innocent 15

 

   De son côté, l’Artiste pressent que, s’il vit encore longtemps, la flasque ordure continuera d’adhérer à sa peau. Elle en brûlera les pores et le transmuera en porc. L’humiliation suintera jusqu’à la moelle des os,  et polluera le sang, lequel à son tour empestera l’organisme entier. L’humiliation deviendra partie constitutive de sa personne. L’humiliation le possédera, le pourrira. Sa vie stagnera dans le canal fangeux de la honte.

    Seul, il est parfaitement seul, horriblement seul. Les mines patibulaires l’encerclent. Entre la foule soucieuse de survie quotidienne et l’étranger, les miliciens élèvent un écran de dos musculeux. Dans les reins du suspect s’enfonce la dure et froide extrémité d’un cylindre d’acier. Une voix de rogomme, que le tabagisme a rendue plus rauque encore, lui enjoint de les suivre sans broncher.

    Nouvelle extraite de Au creux du Styx

 

 

09:30 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)