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29/10/2014

L'apéritif des notables 7

L’apéritif des notables 7

 (Extrait de Et passent les rats)

 

A mesure que l’agape avancera, les langues aux sonorités mesurées, comme si Monseigneur était encore là pour imposer de la retenue, les langues vont s’échauffer, trotter, galoper, rouler, bousculer, culbuter les mots, qui bondiront d’idée en idée. Les passions, d’habitude soigneusement dissimulées, paraîtront au premier plan, sur la scène du théâtre de marionnettes qu’est l’existence humaine, où personne ne veut être Polichinelle, alors que le grotesque paillasse respire à travers chacun de nous.    

    Ces préliminaires achevés, les notables vont déjeuner chez l’un des membres du groupe, chacun des couples recevant les autres à tour de rôle.

    La conversation roule sur les affaires de Santa Soledad. Quoi de plus normal ?

    « Alors, Monsieur le Maire, commence Carla Curatodo, en caressant de son regard humide et tendre le triple menton du « cacique » local, que savez-vous de nouveau sur ce Mark Mywords, qui s’est permis d’éreinter notre bonne ville dans la revue Planeta ? »

    

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27/10/2014

L'apéritif des notables 6

L’apéritif des notables 6

 (Extrait de Et passent les rats)

 

   Le serveur aux cheveux courts, et qui fleure virilement l’après-rasage, pantalon au pli coupant tel le fil du rasoir, gilet noir boutonné, chemise blanche et nœud papillon de velours noir, écoute et note mentalement les commandes avec la déférence qu’exige l’occasion. Il n’ignore pas que, si tout se passe au goût de ces personnages, le pourboire sera quasiment princier, du moins autant qu’il peut l’être en démocratie. Bientôt, la table sera couverte de bouteilles, les unes élancées, les autres pansues, de vastes verres et de coupes fluettes, et de menus en-cas variés, anchois, saumon d’élevage, œufs de lumps, foie gras sur canapés, olives fourrées aux amandes, pistaches non décortiquées, noix de cajou, fines tranches de chorizo, minuscules saucisses grillées, piments farcis au riz, persil et blanc de poulet haché mélangé à du fromage blanc, tortillas de maïs garnies de tomates cuites, tout le tralala qui prélude au repas lui-même. La table offre alors une palette de couleurs vives et d’odeurs contrastées, dont chacune  est choisie pour faire saliver les palais, titiller les papilles gustatives, inciter à reprendre de l’alcool.

 

    

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25/10/2014

L'apéritif des notables 5

L’apéritif des notables 5

 (Extrait de Et passent les rats)

 

   La comédienne et le comédien restent en scène, mais ne croient plus au rôle qu’ils s’efforcent de jouer. L’âme évidée, nonchalamment, ils imiteront les pirouettes et les pitreries de leur existence passée, comme s’ils voulaient faire passer le toc pour de l’authentique. Mal leur en prend : la voix sonne faux, les mots sont usés comme des vieilles chaussettes, des trous d’absurdité s’ouvrent malignement au cœur des significations, par où fuit la substance du langage. Lutter contre cela ? Autant placer son corps dans une fissure de digue, aux Pays-Bas, pour empêcher la mer d’inonder villes et polders…

    Ces dames et ces messieurs traversent la place, vont s’asseoir dans leur bar d’élection, le plus élégant, le plus confortable, où leur est réservée la plus intime des salles, moquettée, aux murs couverts de velours sable, garnis de tableaux représentant diverses vues de Santa Soledad et de ses environs : les péristyles et frontons armoriés de faux marbre des édifices publics, la cathédrale Santa Trinidad de los Castigos avec sa girouette au bec si crochu, le Rio Sangriento buvant les pourpres du couchant, et même une photographie de grandes dimensions représentant l’aigle d’or aux ailes déployées, dont les yeux luisent sinistrement. Il en faudrait beaucoup plus pour apeurer les notables et leurs chastes épouses… 

   

10:10 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)