14/07/2013
Une édifiante anecdote
Une édifiante anecdote
Petite histoire hélas authentique, dont j’ai eu connaissance dirai-je « grâce à des sources dignes de foi », pour ne pas me priver d’un stéréotype.
Dans une entreprise de la région parisienne, le directeur et la directrice font régner la terreur. Intimidation et mépris, voilà leurs armes principales.
L’une des jeunes employées se trouve enceinte. Quelle horreur, quelle indécence ! Il faut éviter la contagion. Imaginez que les autres femmes de « l’équipe » fassent de même ? Le vaisseau capitaliste irait se fracasser sur les récifs de la maternité !
Détail accessoire, un même sang coule dans les veines de nos deux patrons ; je veux dire qu’ils sont frère et sœur. L’histoire ne dit pas s’ils suivent la coutume du mariage pharaonique consanguin et cela ne nous regarde pas, mais si cela pouvait les rendre heureux et donc moins méchants, tous y gagneraient.
Comment se débarrasser de la future maman, aux moindres frais ? L’amener à présenter sa démission. Oui, mais par quels moyens ? Le harcèlement moral peut vous coûter cher, devant les tribunaux.
Le délicieux couple fraternel invente un stratagème : ils se mettent de connivence avec un de leur client, lui aussi chef d’entreprise.
Le troisième larron propose un nouvel emploi à la dame, malgré la suspecte évidence qu’offre sa silhouette rebondie. Il lui « offre un pont d’or ». La jeune femme se laisse allécher, démissione de son premier poste, commence à travailler dans la deuxième entreprise, puis est renvoyée avant la fin de la période d’essai. Suite prévisible : chômage, pas d’indemnité.
Bien imaginé, pas vrai ? Si vous avez des amies enceintes, contez leur cette édifiante anecdote. Ne désespérons pas de l’humanité : morale et solidarité ne sont pas que des mots creux. Tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles, puisque les salauds tiennent la barre.
09:47 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)
13/07/2013
Le gêneur 25
Le gêneur innocent 25
Le test paraît satisfaire le fonctionnaire, dont le visage carré laisse poindre comme le sourire du robot. L’artiste sent que ses entrailles se tortillent et se recroquevillent. Des spasmes mordent son bas-ventre. Irrépressible, la nausée lance un jet de bile jusque dans sa bouche. Prudemment, il ravale l’aigreur. Il sait que, désormais, la peur ne quittera plus son chevet. Nuit et jour, elle hantera ses heures.
Laissant derrière eux les trois corps, ils longent le corridor. Le lieutenant s’arrête devant la cellule numéro 99. Il l’ouvre et pousse le prévenu dans le cachot. Seul un soupirail, couvert d’une vitre épaisse et muni de barreaux, laisse passer un peu de lumière extérieure. Une planche sert de lit. Elle est fixée au mur de droite par de solides équerres, vissées dans la maçonnerie. Sur la couche sommaire, une fine couverture, laquelle ne suffira pas à garantir Thomas du froid. Dans l’angle gauche du mur percé d’un soupirail, le seau hygiénique.
Nouvelle extraite de Au creux du Styx
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12/07/2013
Le gêneur 24
Le gêneur innocent 24
Epais, lourd et vénéneux tel le mercure, le silence se répand. Il accable et glace les captifs. Leurs langues sont enchaînées. La terreur n’est pas une abstraction, ou l’une de ces réalités anciennes, que l’on veut considérer comme anachroniques. Elle est là, présente, vivace, agissante, efficace. Le lieutenant l’incarne. A travers sa médiocre personne, le Système fonctionne. Il est juste et fondé, puisqu’il réussit. Le visage de l’officier n’exprime ni joie, ni haine. Il accomplit sa tâche, consciencieusement, avec méthode.
Le sang de la victime tache les doigts de l’exécuteur. Sur son mouchoir, il en essuie les gouttes, comme le mécanicien qui se dégraisse les mains. Comme pour s’assurer que le blessé ne bougera pas de sitôt, le lieutenant saute à pieds joints sur sa poitrine. Thomas Meddler entend des craquements. Les bottes ont dû fêler des côtes.
Nouvelle extraite de Au creux du Styx
09:38 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)