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26/09/2012

Entre muraille et canal (4)

1 - Les deux horloges (4)

 (Extrait de Entre muraille et canal, livre électronique, disponible sur Amazon, à prix réduit)

 

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     A travers la rue, la religieuse  lança :

    « Bonjour, Mme Ducasse ! Comment allez-vous ?

    - Ça va bien, merci, sœur Amélie. Avez-vous passé de bonnes vacances ?

    - Vous savez, Mme Ducasse, dans les ordres, nous ne savons pas ce que sont de vraies vacances. Rester à ne rien faire, se prélasser ou passer le temps à se divertir, cela n’est pas digne d’une personne qui a prononcé les vœux de charité, d’obéissance et de chasteté. Nous nous devons au prochain. Le dévouement est la règle cardinale. »

    Ce disant, la sainte femme ouvrit la portière arrière gauche de la 2 Chevaux, en sortit un gros et vieux cartable, aux coutures maintes fois réparées, distendu par les nombreux volumes qu’il contenait. Sœur Amélie posa l’objet sur le macadam défoncé, ne verrouilla pas les portières, d’abord parce que sa charrette ne contenait aucun objet de valeur, ensuite parce que Sainte-Radegonde-en-Marais ne se connaissait pas de voleurs ;  enfin, elle souleva de nouveau le cartable, sans paraître s’évertuer.  Entre le volumineux sac et l’apparence frêle et même chétive de la religieuse, le contraste était si remarquable, que Mme Ducasse ne put s’empêcher de s’exclamer :

    « Votre cartable m’a l’air bien lourd, ma Sœur. Vous allez vous casser le dos, à soulever cette masse.

    - Ne vous inquiétez pas pour moi, ma bonne Mme Ducasse. Je n’ai pas les muscles de M. Starkmann, mais je suis plus solide qu’il n’y paraît.

    - Je veux bien le croire, mais tout de même, je me demande combien de livres vous transportez dans ce sac. Ah, vous devez en savoir des choses, sur tout ! Ce n’est pas comme moi… Je suis bête comme un bourricot ! J’ai dû quitter l’école à treize ans, pour aller trimer dans les champs. «

    

09:38 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

25/09/2012

Entre muraille et canal (3)

1 - Les deux horloges

(Extrait de Entre muraille et canal)

   Le huitième coup commençait tout juste à s’estomper, lorsque l’horloge de l’église prit le relais de celle de la Mairie.  De la voiturette décapotable, mais peu sportive, descendit une petite femme maigrichonne, portant le costume de religieuse traditionnel : pour cacher la chevelure, le voile blanc ; l’ample habit gris clair ne laissant dépasser que les chaussures à semelles plates et bouts carrés, en résumé, cet uniforme qui gomme les rondeurs féminines, les escamote aux regards nécessairement lascifs des hommes au tempérament toujours lubrique. Malgré l’ampleur des robes, il était permis d’estimer que les dites rondeurs avaient depuis belle lurette fondu, ne laissant qu’un paquet d’os, garni du minimum de chairs indispensables pour la survie. L’austérité de la vie conventuelle avait peut-être causé le décharnement, mais il était aussi possible que la nonne n’eût jamais été parée d’appétissants appâts.  

    Un bref coup d’œil dans le rétroviseur lui avait suffi pour s’assurer qu’elle pouvait, sans risques pour sa sécurité, ouvrir la portière et descendre du véhicule. La précaution était quasiment superfétatoire, la circulation étant presque nulle, même durant la journée, dans la rue des Capucines, à l’exception des heures où les parents déposaient ou revenaient chercher leurs enfants, ce qui serait le cas dès le lendemain. La prudence de la Sœur prouvait au moins ceci : même placée sous la plus haute des protections, celle du Rédempteur, elle conservait une bonne dose de réalisme.  

   

 

 

11:58 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

24/09/2012

Entre muraille et canal (2)

1 - Les deux horloges (2)

(Extrait de Entre muraille et canal, livre électronique, disponible sur Amazon, à prix réduit)

    Face à l’école, une fenêtre était ouverte, au rez-de-chaussée. Une femme s’y accoudait. Dès le premier regard, il était patent que la jeunesse l’avait quittée depuis fort longtemps. Le prouvaient les cheveux blancs disciplinés par les bigoudis, le visage raviné de rides, les os formant des saillies sous la peau tendue à presque se déchirer, exposant avec impudeur le masque mortuaire. Les tavelures éclaboussaient le front et les joues, comme si les phalanges de la mort s’ingéniaient à imprimer leur sceau sur l’épiderme, à en dénaturer la couleur, à enlaidir davantage ce qui, en soi, était affreux. 

    Dans cette face quasiment d’outre-tombe, seuls les yeux contredisaient la macabre impression, car ils étaient vifs et fouineurs, perçants, doués de cette infatigable agilité propre aux gens curieux de tous les événements, petits et grands, qui se déroulent aux alentours.

   

 

 

10:34 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)