09/04/2013
Normalité oblige
Normalité oblige (2)
Ils étaient aveugles, et les autres, j’entends par là les bien voyants, lesquels ne sont pas tous bienveillants, ni même toujours clairvoyants, exigeaient qu’ils vissent :
« Vos quinquets vous devez davantage écarquiller ! Enfin éclairés, vous verrez ! »
Alors eux, les malades du nerf optique, les amoindris du cristallin, les atrophiés de la macula, les dégénérés de la rétine, à percer leurs éternelles ténèbres ils s’efforcèrent, mais pour eux la nuit la plus obscure et le jour le plus lumineux restèrent une seule et même chose. Quant aux chanceux, qui affichaient une vue sans défaut, ils reprochèrent aux rabougris du globe oculaire ce qu’ils nommaient leur « manque de courage et de volonté. » Ainsi, la pesanteur de la solitude se perpétuait et s’accentua.
Extrait de Paraboles, 140 pages, 10 Euros, frais d’envoi offerts.
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08/04/2013
Le cordon-bleu (15)
Le cordon-bleu (15)
L’œsophage de M. Denis Truchaud se relâche, ses parois permettent le passage de quelques bouchées de tarte aux pommes, son estomac daigne mettre fin à l’état convulsif, qui d’ordinaire transforme les repas en tortures, aussi insoutenables pour lui que pour d’autres la diette.
« Nous avons très bien mangé, Mme Ducasse, remercie-t-il en partant. Merci encore pour votre charmant accueil. Bonne nuit, mon Père. Bonne nuit, Marc, et à demain ».
La succulente chère a favorablement disposé l’épigone de Pantagruel ; la boisson de la divinité païenne, orgiaque et méditerranéenne, a légèrement adouci la sévérité du prêtre.
Ils échangent une ferme poignée de mains. Ce soir, grâce aux soins maternels et gastronomiques de Germaine Ducasse, veuve d’Albert le pendu, ils se croiraient presque frères.
(Extrait de Entre muraille et canal)
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07/04/2013
Le cordon-bleu (14)
Le cordon-bleu (14)
Suivent encore la salade verte, aux feuilles croquantes et juteuses, puis, accompagné de noix, le plateau de fromage aux laits divers et forces bâties en crescendo, enfin, pour couronner ce chef-d’œuvre de gourmandise étudiée, dont l’excessivité même est gage d’un art, celui du gourmet, la tarte aux pommes ruisselante de compotes.
Peu à peu, Truchaud s’est détendu. La loquacité de l’hôtesse, l’appétit de Marc, digne de le faire figurer dans les banquets de Grandgousier, joints à la volonté de Citrin d’éviter l’esclandre, ont épargné à celui qui n’avance plus que cahin-caha, comme si chaque pas allait être le dernier, ce que le plus il redoutait : la querelle, les invectives, l’anathème, la fureur et les hurlements.
(Extrait de Entre muraille et canal, roman)
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