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28/03/2013

Le cordon bleu (4)

Le cordon-bleu (4)

 

    Germaine Ducasse alla ouvrir l’huis de son logis. Les deux canidés ennemis ne s’étaient pas entredéchirés, mais la figure cléricale affichait la glaciale détermination d’être peu civil, tandis que sur le visage laïque affleurait la hargne de la bête prise dans les rets du chasseur.

    « Ah, quelle chance ! Vous arrivez en même temps ! Ça m’évitera de retourner ouvrir. Entrez donc, Messieurs. Ah, merci, M. Le Brahz pour le bouquet ! C’est très gentil à vous, mais il ne fallait pas vous mettre en frais. Laissez moi prendre vos pardessus. Je vais les accrocher là. Vite, allons dans la cuisine, où il fait meilleur que dans le corridor. »

    Le mot « pardessus » ne s’applique pas de façon exacte aux vêtements portés par Citrin et Le Brahz. Le prêtre appelle justement le sien « paletot », le second nomme sa peau de mouton retournée, largement évasée vers le bas et garnie de fils de couleurs pour l’égayer, manteau ou, plaisamment,  « pelisse ». La longueur assez peu professorale de sa chevelure, jointe à l’excentricité du vêtement digne d’un hippie, lui ont valu, lorsqu’une fois il patientait à l’arrêt d’autocar, de subir un contrôle d’identité. Ces Messieurs de la maréchaussée furent éberlués de découvrir, sous l’apparence de ce vagabond nécessairement suspect, la personne du jeune professeur d’Anglais du collège Le Rédempteur.

   

(Extrait de Entre muraille et canal, roman). 

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27/03/2013

Le cordon bleu (3)

Le cordon-bleu (3)

 

   Dans la cuisine, le fourneau rumine et broie du noir, qu’il transforme en flammes. La chaleur est si forte que les vitres sont embuées. L’extérieur est annulé. Le monde se réduit à l’espace exigu de la pièce au sol cimenté, couvert de linoléum fané par l’usage. 

    Dans la touffeur digne d’une serre à la luxuriance équatoriale, Denis Truchaud tremble comme la feuille de peuplier, dans le parc sans château, près du canal aussi noir que la mélancolie brélienne.     

    « Quoi donc vous avez, M. Truchaud, s’inquiète la veuve. Vous avez froid ? Je vais vous faire un grog.

    - Non, merci, Mme Ducasse. Ne vous tracassez pas pour moi. Ce n’est rien. Cela va passer tout seul. »

(Extrait de Entre muraille et canal, roman,).

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26/03/2013

Le cordon bleu (2)

Le cordon-bleu (2)

 

    Le prêtre s’imagine que le professeur va passer son chemin, car certainement les fleurs sont destinées à l’une des demoiselles de la bourgade, que les relents de souffre n’effraye point ; le second croit que le premier va poursuivre, pour aller chez le notaire ou le vétérinaire, notables de premier ordre à Sainte-Radegonde-en-Marais, où les professions de dentiste et de pharmacien suffisent à vous faire classés comme membres de la bourgeoisie. Le Brahz s’écarte vers la bordure du trottoir mais, comme Citrin opère le même mouvement d’esquive, les voici encore museau contre museau. Cela doit puer d’infernale façon, car le mâtin religieux dévie vers la façade de la maison, tactique de louvoiement au même instant  copiée par l’angliciste. Leurs petits bonds donnent à la scène une ressemblance avec la danse guerrière des boxeurs. Le passant qui les verrait ainsi, pour la sauvegarde de leur bonne réputation, noblement se ridiculiser, hésiterait entre s’esclaffer, ou se précipiter pour empêcher la rixe.  

    A la même seconde, les dextres se dirigent vers la porte, les deux index pliés cognent sur le panneau de bois, dont la couleur est si délavée qu’elle en est devenue inqualifiable. Germaine Ducasse ne veut pas avoir de sonnette, dont la stridence la ferait sursauter. Quant à un heurtoir, il ne lui conviendrait pas mieux, à cause du fracas. 

     (Extrait de Entre muraille et canal).

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