02/03/2013
Voyage au Pays d'Haistybradu (
Voyage au Pays d’Haistybradu (4)
Une aussi horrible réputation, pensai-je d’une part, ne pouvait être qu’un mythe ; d’autre part, si elle devait s’avérer fondée, je désirais pouvoir en témoigner. Donc, je ne doutais pas que je referais le voyage en sens inverse. Je n’envisageai pas davantage que je risquais de sacrifier, pire que la vie, la sérénité désillusionnée dont se nourrissait ma fierté. Peut-être le lecteur préférera-t-il nommer ce dernier sentiment « orgueil ».
Plus j’approchais de cette extrême limite, où s’achève la civilisation et commence la barbarie, et plus la végétation se raréfiait. Par le mot « barbarie », je postule : plutôt que l’absence de lois, la préséance et l’omniprésence de lois si différentes des nôtres, induisant des comportements si paradoxaux, que notre entendement renonce à y démêler la raison de la folie. A moins, au contraire, que ce ne soient les conduites irrationnelles qui génèrent des décrets présentant les apparences de la plus parfaite, la plus incompréhensible absurdité.
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01/03/2013
Voyage au Pays d'Haistybradu (3)
Voyage au Pays d’Haistybradu (3)
Devant parfois, pour les besoins du commerce itinérant, traverser d’informes régions où sévit la loi de l’insoumission, jamais je ne me déplace sans ma carabine et mon revolver. De celui-ci ou de celle-là j’eus peu l’occasion de me servir, mais, s’il m’est arrivé de tuer un homme, ce tut toujours par nécessité, afin de préserver ma propre vie. Si je n’enterre pas mes agresseurs malchanceux, ce n’est ni par haine, ni par mépris, mais parce que je juge que les cadavres ne sont que charognes, de ces choses dont le destin sera insignifiant ; leur utilité certaine se limite à nourrir des animaux incapables d’attraper les proies. Il n’y aura pas de lever de rideau, car, avec le corps, meurt la pensée, que le croyant, désireux de créer un au-delà qui lui permettrait de jouir d’une céleste éternité, affuble du titre fallacieux « d’âme ».
Malgré ces défenses qui me conféraient une démarche assurée, je sais maintenant, mais trop tard, que jamais, oui jamais je n’aurais dû franchir la frontière du Pays d’Haistybradu. D’autres marchands m’avaient averti de la folie que serait l’aventure ; mais, moi, adepte du scepticisme le plus absolu, hygiène mentale que je pratique avec régularité, je voulus, par le truchement de mes cinq sens, vérifier leurs dires.
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