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11/08/2013

Le fouineur 1

Le fouineur (1)

  

     « La bibliothèque de Santa Soledad est une « médiathèque », car on n’y trouve pas que des livres, mais tous les autres moyens modernes de communiquer. Son organisation  m’a littéralement abasourdi. Jamais nulle part je n’avais vu les Arts et la littérature exilés dans les sous-sols, tels des pestiférés mis à l’écart par crainte d’une contamination. Les cinq étages de l’immeuble sont occupés par les livres, logiciels techniques, manuels de toutes sortes, traités d’économie, revues sur les cours de la Bourse, modes d’emploi pour s’enrichir en au maximum deux clins d’œil, recettes de la manipulation politique et psychologique, au total le bric-à-brac du réalisme le plus étriqué, de l’arrivisme le plus débridé, du cynisme le plus éhonté, dans le plus total mépris de l’héritage culturel de l’humanité. 

   Lorsque j’ai demandé à la bibliothécaire d’avoir accès aux archives, afin d’examiner les tablettes de la prophétie des Maztayakaw, fils d’Ardhor, dieu solaire, la préposée a paru si stupéfaite que j’ai craint de lui causer un arrêt cardiaque. La dame en question est une grande jument hommasse aux énormes dents jaunes, aux yeux globuleux, à la crinière grise encore abondante, à la poitrine généreuse, à la voix plus masculine que féminine. L’insigne épinglé au revers de sa veste me donna le nom de la majestueuse matrone : Alejandra Papelero. J’appris plus tard qu’elle est l’épouse du conservateur. Tous deux ont la cinquantaine défraîchie.

 

  

 

 

trait du roman Et passent les rats, en vente sur ce blog)

11:19 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

10/08/2013

Perfidie 107

 

 

   Quelle agitation médiatique, royale et populaire (pour ne pas dire « populacière ») autour de l’expulsion vaginale d’un moutard, tout aussi braillard, morveux, pisseux et merdeux que le plus banal des Homo, futurs Sapiens, mais portant couches !

    Ah, si jamais nous avions douté, nous voici rassurés : Dame Bêtise, impératrice du genre humain, n’a pas lâché prise, elle n’a pas à se soucier. Son règne multimillénaire va se perpétuer, qu’on se le dise, sous le chaume comme sous les dorures ! Après une pareille débauche de sottise, étonnez-vous que les peuples se laissent entuber et enculer par des filous, des escrocs et des bobardiers ! Ils appellent ça « la démocratie »…

 

 

09:41 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)

09/08/2013

La mission de Marnay 9

La mission de Paul Marnay (9)

    L’abbé s’estima plutôt satisfait de l’équivoque contenue dans sa dernière clause.

    « Excusez-moi, mon Père, mais je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Qu’entendez-vous par « nous quitter » ?

    - L’état de santé de M. Denis Truchaud n’est pas du tout enviable. Son espérance de vie semble très limitée. Nous prierons pour lui, afin que le Seigneur lui donne la force d’assurer ses fonctions jusqu’au mois de juillet prochain.

    - Ah, je vous suis ! Dois-je en conclure que vous attendez de la communauté chrétienne qu’elle soit particulièrement attentive et qu’elle dispense toute l’aide que nécessitera M. Truchaud ?

    - Exactement, M. Marnay. De vous, en particulier, j’attends que vous l’aidiez à tenir la comptabilité. Dans les postes qu’il a occupés auparavant, M. Denis Truchaud s’est montré compétent, mais les chiffres ne sont pas sa tasse de thé, si vous me permettez la familiarité de l’expression. »

     Après avoir accepté de griller un cigare, Paul Marnay ne pouvait avoir aucune objection à soulever contre l’image d’une tasse de thé. Mentalement, il nota le passage de « Mon fils » à «  M. Marnay ». Comme lors de précédentes rencontres, il admira  le jeu savant de ces nuances, qui signifiaient la volonté d’un changement de registre comme si, la messe achevée, allégé de ses multiples atours et sortant de l’église, Heutebise s’était rendu à un rendez-vous avec le notaire ou le banquier.

    « Mon Père, vous savez que vous pouvez compter sur moi. Je ne manquerai pas de prêter main forte à M. Truchaud. Puis-je me permettre une question ?

    - Mais bien sûr, faites donc, je vous en prie.

    - Le directeur … provisoire devra-t-il souvent se rendre au chef-lieu, pour y recevoir des soins à l’hôpital ?

    - Cela, tout à fait franchement, je l’ignore, mon cher M. Marnay, mais je présume que oui. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons examiner les comptes du collège lequel, et sur ce point je ne vous apprendrai rien, n’est pas riche. »

 

     Extrait de Entre muraille et canal

09:36 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)