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08/08/2013

La mission de Marnay 8

La mission de Paul Marnay (8)

    « Mon cher fils, reprit doctoralement le corrupteur, vous n’êtes pas sans savoir que la petite école de Sainte-Radegonde-en-Marais va changer de direction. Il ne pouvait en être autrement, à cause du départ à la retraite de M. Vilosseau. Trouver des chefs d’établissements pour nos établissements présente des difficultés, car d’année en année la tâche s’alourdit, les requis sont multiples et les gratifications peu élevées. Pour ce qui concerne le collège du Rédempteur, nous nous sommes vus dans l’obligation de nommer une personne qui n’assumera probablement la direction que cette année. »

    L’abbé Heurtebise se tut, laissa le sens de ses paroles pénétrer la profane cervelle de Paul Marnay. Puis, même s’il n’écrivait pas de romans policiers, l’abbé se plaisait à créer le suspens.

    « Voulez-vous dire que ce directeur se verra confié une nouvelle mission, une fois l’année scolaire achevée ?

    - Hélas non pour lui, mon fils. M. Denis Truchaud, puisque c’est là le nom du directeur… provisoire, n’assumera certainement plus aucune fonction. Il se pourrait même qu’il nous quitte. »

       Extrait de Entre muraille et canal

 

 

 

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07/08/2013

La mission de Marnay 7

La mission de Paul Marnay (7)

 

   Ce disant, le tentateur tendit au fidèle paroissien le coffret de cigarillos d’une qualité plutôt prolétarienne ; néanmoins, l’origine de ce tabac ne pouvait être cubaine, sauf à se compromettre avec le plus sacrilège des ennemis. L’abbé passa son briquet au visiteur lequel, en possession du fin tube de poison rougeoyant, repassa la boîte et l’instrument d’allumage à leur propriétaire. Deux nuages de fumée s’élevèrent bientôt de part et d’autre de la table de travail, sans que ni l’abbé,  ni l’assureur ne crût voir apparaître une auréole de sainteté sur la tête de l’interlocuteur.  

    La voix de l’abbé Heurtebise affectait le professionnalisme, c’est-à-dire qu’elle possédait l’onctuosité propre aux ecclésiastiques, plus particulièrement à ceux de l’église catholique, avec juste ce qu’il faut de ton cérémonieux pour marquer la distance entre le clerc et le laïque. Modèle de clarté, son élocution ne négligeait aucune liaison. Sa grammaire et son vocabulaire  étaient irréprochables, l’une comme  la rectitude de sa cravate, l’autre comme la blancheur de la chemise.  Au total, son discours communiquait la nostalgie du beau langage, clair et précis, toutes qualités jugées désuètes au nom de la sacrosainte Paresse.

 

       Extrait de Entre muraille et canal

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06/08/2013

La mission de Marnay 6

La mission de Paul Marnay (6)

 

   Assez régulièrement, le prêtre passait du « mon fils » à « M. Marnay », comme s’il hésitait à donner sa préférence à l’une des formules plutôt qu’à l’autre. La première l’éloignait de l’assureur et plaçait entre le laïque et lui la distance cléricale qu’à cet instant il jugeait souhaitable ; dans ce cas, l’abbé ne répugnait pas à s’exprimer à la première personne du pluriel comme si, par décret divin, lui avait été conférée la dignité royale.  A contrario, la simplicité de la relation lui paraissant mieux indiquée à d’autres moments ; alors, il recourait à la seconde civilité, comme s’il oubliait qu’il était prêtre, ou comme s’il voulait le faire oublier par le visiteur. 

    « Bien sûr, mon Père. Je me demande de quelle façon je pourrais me rendre utile à l’école du Rédempteur, moi qui n’ai pas la vocation de pédagogue. 

    - Mais vous avez d’autres compétences. Voulez-vous un petit cigare ? A ma grande honte, je dois avouer que c’est une de mes faiblesses, que je n’arrive pas à vaincre. Je succombe à la tentation du tabac trois à quatre fois par jour.

    - Je ne refuserai pas de vous accompagner, mon Père, si cela peut vous aider à vous sentir moins fautif.

    - Vous êtes trop bon, cher M. Marnay, le flatta le  directeur diocésain, qui, redevenu pécheur ordinaire, se défroquait provisoirement.  Servez-vous, je vous en prie. »

     Extrait de Entre muraille et canal

 

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