18/04/2014
Le réquisitoire 7
Le réquisitoire 7
Comme l’indique le mot » Miss », elle était célibataire. Sa silhouette maigre, sans grâce, la platitude de sa poitrine, son visage où la beauté s’était gardée de s’épandre, sa voix aigrelette, suffiront peut-être à expliquer l’état de célibat dans lequel nous la trouvons, quinquagénaire devenue. Il était difficile de savoir si la sempiternelle froideur de sa couche virginale lui inspirait ou non de l’amertume. Elle ne manifestait que peu d’intérêt pour les conversations des autres femmes sur les mérites respectifs, évidemment inégalables, de leur progéniture. La plupart du temps, elle portait des jupes droites, qui descendaient en dessous du genou. Si le temps devenait vraiment chaud, elle mettait une robe plus légère, mais toujours d’une irréprochable décence.
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17/04/2014
Le réquisitoire 6
Le réquisitoire 6
Sur sa capacité à diriger la grande bibliothèque, il n’y avait rien à redire. Tous les services étaient correctement organisés. La gestion du budget ne présentait pas de faille. Les relations, tant professionnelles que personnelles, étaient bonnes, du moins aussi bonnes qu’elles peuvent l’être sur un lieu de travail, où l’envie ne se tait jamais complètement. Monsieur le Conservateur savait diriger les gens, de manière à tirer le meilleur de chacun. Il reconnaissait les mérites et les récompensait dans un esprit de justice. Pour toutes ces excellentes raisons, il était aimé.
Miss Edith Bookworm était issue de l’université de Cambridge, la concurrente d’Oxford. Son niveau d’études n’était pas aussi élevé que celui du Conservateur, mais elle avait tout de même le titre de « Bachelor of Arts », c’est-à-dire qu’elle était licenciée ès Lettres.
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16/04/2014
Le réquisitoire 5
Le réquisitoire 5
Assez souvent, Edward, le fils âgé de quinze ans, et Helen, sa soeur âgée de treize ans, circulaient dans la bibliothèque, prenaient des livres sur les étagères, s’asseyaient à des tables et lisaient. Leur mère, Martha, une brune aux yeux verts, venait moins souvent que les enfants, mais il ne se passait pas de semaine sans que les employés l’aient vue, furetant aussi à la recherche d’une passionnante lecture.
Mr Frank Knowsitall parlait la langue de la reine avec l’accent d’Oxford, université où il avait suivi des études de Littérature britannique. Outre-atlantique, la littérature n’existait pas. Monsieur le Conservateur détenait le titre de « Master’s », mais n’en tirait pas de vanité particulière. Ce « gentleman » avait pour habitude, lorsqu’un londonien maltraitait les phonèmes, en particulier les diphtongues, de corriger courtoisement la prononciation défectueuse, avec un sourire empli de bénignité pour les pauvres ignares, qui n’avaient pas eu la chance d’apprendre à parler le seul Anglais authentique, le seul libre de toute impureté.
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