03/07/2013
Le gêneur 15
Le gêneur innocent 15
De son côté, l’Artiste pressent que, s’il vit encore longtemps, la flasque ordure continuera d’adhérer à sa peau. Elle en brûlera les pores et le transmuera en porc. L’humiliation suintera jusqu’à la moelle des os, et polluera le sang, lequel à son tour empestera l’organisme entier. L’humiliation deviendra partie constitutive de sa personne. L’humiliation le possédera, le pourrira. Sa vie stagnera dans le canal fangeux de la honte.
Seul, il est parfaitement seul, horriblement seul. Les mines patibulaires l’encerclent. Entre la foule soucieuse de survie quotidienne et l’étranger, les miliciens élèvent un écran de dos musculeux. Dans les reins du suspect s’enfonce la dure et froide extrémité d’un cylindre d’acier. Une voix de rogomme, que le tabagisme a rendue plus rauque encore, lui enjoint de les suivre sans broncher.
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02/07/2013
Le gêneur 14
Le gêneur innocent 14
De sa poche, le malmené sort un mouchoir, carré de coton bleu ciel à larges rayures blanches entrecroisées de fines rayures bleu marine. Le mouchoir est encore plié. On l’a soigneusement repassé. Peut-être y eut-il, dans l’existence du Gêneur, une présence féminine, attentive et câline.
Il éponge l’écoeurante expectoration. Et si l’ostrogoth allait, par contagion, lui communiquer le virus des mauvaises manières, de la vulgarité aggravée de grossièreté ? S’il allait baragouiner intérieurement, lui qui jusqu’alors sut préserver la superbe ordonnance de sa pensée ?
Face aux mercenaires, sa personne présente l’impardonnable alliance de l’intelligence, la culture et le raffinement. Alliage rare et précieux, que les barbares se doivent d’anéantir. Dans le Gêneur Innocent, ils flairent la bête nuisible. Quoi, lui, le vermisseau, nettoie sa peau garnie de si belles secrétions ?
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01/07/2013
le gêneur 13
Le gêneur innocent 13
Les bâtisseurs du règne de la Terreur semblent ne pas le voir. Ils frôlent l’artiste, comme s’il n’avait pas plus de substance qu’un courant d’air. L’étranger ne veut pas prendre ombrage de ce mépris, conscient qu’il est de son manque de hargne et méchanceté, qualités portées à leur point d’incandescence chez les valeureux guerriers.
L’un des butors écrase les pieds de Thomas Meddler, sous ses godillots à semelle cloutée. Le timide connaît l’abominable réputation de ces chevaliers du néant. Aussi ne quémande-t-il pas d’excuses. Voulant paraître invulnérable, malgré la douleur, il sourit de façon bénigne. La mimique est interprétée comme une manifestation d’ironie, donc de révolte contre la loi de la canaille et de la racaille. L’offenseur gratifie l’offensé d’un crachat sur la joue droite.
L’agressé se mure dans une fausse indifférence. Fatale erreur. A ce point, il devrait remercier le goret de l’avoir honoré. Le deuxième crachat vient agrémenter la joue gauche.
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