12/07/2013
Le gêneur 24
Le gêneur innocent 24
Epais, lourd et vénéneux tel le mercure, le silence se répand. Il accable et glace les captifs. Leurs langues sont enchaînées. La terreur n’est pas une abstraction, ou l’une de ces réalités anciennes, que l’on veut considérer comme anachroniques. Elle est là, présente, vivace, agissante, efficace. Le lieutenant l’incarne. A travers sa médiocre personne, le Système fonctionne. Il est juste et fondé, puisqu’il réussit. Le visage de l’officier n’exprime ni joie, ni haine. Il accomplit sa tâche, consciencieusement, avec méthode.
Le sang de la victime tache les doigts de l’exécuteur. Sur son mouchoir, il en essuie les gouttes, comme le mécanicien qui se dégraisse les mains. Comme pour s’assurer que le blessé ne bougera pas de sitôt, le lieutenant saute à pieds joints sur sa poitrine. Thomas Meddler entend des craquements. Les bottes ont dû fêler des côtes.
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11/07/2013
Le gêneur (23)
Le gêneur innocent 23
Le colosse lâche les deux marionnettes inanimées, qui s’affalent avec un floc peu martial. Les visages tuméfiés offrent une horrible illustration de la force du prisonnier. Trois détonations successives claquent. La formidable masse musculaire croule lentement, mais sans une seule plainte, glisse vers le sol et s’y étale. Dans le souterrain, les détonations rebondissent de porte en porte et de mur en mur. Le vacarme achève d’affoler les prisonniers. De cellule en cellule, la panique répercute et multiplie ses hurlements. A droite, à gauche, le tohu-bohu met en branle une effroyable sarabande, propre à ôter sa raison à l’homme le plus sensé. Le lieutenant braille. Sa voix doit être sinistrement connue, car elle suffit à imposer le silence.
Dans le corps de l’homme, les deux premières balles ont fracassé les genoux. La troisième a traversé l’épaule droite. Il vit, mais les blessures le plaquent au sol. Couché sur le dos, le blessé ne cesse d’injurier l’officier, lequel matraque le crâne à coups de crosse. La voix du vaincu faiblit, et ses cris s’espacent. Le sang gicle de sa tête, et sème sur l’uniforme du lieutenant des notes plus vives.
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10/07/2013
Le gêneur 22
Le gêneur innocent 22
Les trois miliciens braquent les gueules des revolvers en direction du géant. Sa révolte ne se tempère pas. Il se campe sur ses jambes, fortes comme deux colonnes de marbre. Les muscles du torse et des épaules se bandent, au point de presque se déchirer. Le visage se congestionne. Toute son attitude est un cri pour la liberté.
Immobiles et impassibles, les miliciens lui ordonnent de se calmer. Le prisonnier hurle encore plus fort sa haine de la Milice et du Comité de Salut Public. Un craquement métallique souligne la déclaration de guerre. Brusquement délié, le prisonnier brandit deux poings aussi gros que des pastèques. Le rebelle bondit en avant. La surprise est si forte que ses ennemis ne réagissent pas assez vite. Le lutteur saisit un milicien dans chaque main. Il les soulève comme des pantins, et les frappe l’un contre l’autre, telles des cymbales. Les arcades sourcilières se fendent, les nez se brisent, les lèvres éclatent, comme les prunes mûres que l’on écrase sous les pieds. Le lieutenant hésite. Tirer, c’est risquer de tuer ses comparses, tant le justicier forme avec eux une masse de chair agitée de sursauts, soubresauts, convulsions, secousses.
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