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30/06/2013

Le gêneur 12

Le gêneur innocent 12

    Aucune invention du crime ne leur était inconnue. Souffrance, déshumanisation et mort composaient la trilogie tutélaire de leur métier d’assassins stipendiés.   

    Un mouchard dénonça l’étranger à l’efficace malveillance de la soldatesque. On le laissa néanmoins quelque temps évoluer pour mieux noter ses faits et gestes et dresser l’acte d’accusation.

    Ouvrant la porte d’un magasin, le suspect cède le passage à une patrouille. Devant lui passent alors trois gaillards vêtus de treillis aux couleurs de camouflage. Sur leur béret noir scintille l’insigne de la Milice, la dague et le fusil disposés en croix. A la ceinture est suspendu le revolver, dont ils usent avec aussi peu de remords que d’autres le feraient du l’aérosol insecticide. Cet appendice de leur noble et mâle personne assainit l’atmosphère. Ils tuent consciencieusement, comme l’on extermine la vermine.

 

    Nouvelle extraite de Au creux du Styx

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29/06/2013

Le gêneur 11

Le gêneur innocent 11

 

Quelques jours durant, il resta comme invisible. L’urgence permanente le camoufla. Par malheur, la Milice veillait en tous lieux, à toute heure. La nouvelle élite martiale était majoritairement constituée de criminels : escrocs de la finance, trafiquants de drogues, d’armes et de femmes, maquereaux, violeurs, assassins et sadiques, débris et déchets vomis par les prisons et les bagnes. Leurs chefs avaient été militaires ou policiers. Le sens de l’opportunisme leur avait soufflé la conversion au nouveau banditisme officiel, car plus lucratif que l’émargement au budget du gouvernement démocratique défunt.

    Sous couvert d’intérêt national et de fidélité à l’Histoire, sous prétexte aussi de pureté de la race, le Comité de Salut Public incitait la racaille en uniforme à commettre les plus atroces exactions : torturer l’aïeul devant la famille réunie ; sous la menace de sévices plus graves encore, faire pratiquer la coprophagie,  l’inceste, la zoophilie et la nécrophilie ; puis, éventrer l’épouse enceinte sous les yeux du mari ; jeter le fœtus sous le groin des porcs ; massacrer les parents à la hache en présence de leurs enfants, ou démembrer ceux-ci devant ceux-là ; faire cuire les restes humains, et obliger les survivants à les dévorer à quatre pattes.

      Nouvelle extraite de Au creux du Styx

 

 

10:12 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

28/06/2013

Le gêneur 10

Le gêneur innocent 10

 

   La faim, la soif, l’assourdissement, l’insomnie, l’angoisse de mort avaient tailladé les corps et les esprits. Afin de nourrir la Terreur, les miliciens mitraillaient encore parfois sans le moindre motif défensif. Lorsqu’il pouvait observer les personnes sans être lui-même remarqué, le portraitiste crayonnait les lignes tourmentées d’un visage miné par la souffrance.

    Les gestes des rescapés visaient la seule survie. L’Art était devenu un luxe, que l’on ne pensait même plus à se permettre. Au mieux, l’activité artistique n’inspirait plus que de l’indifférence, au pire de la méfiance. Gens condamnés à la traque, l’existence même de l’artiste ne leur paraissait guère concevable. Pourtant, le dessinateur silencieux continuait d’enregistrer les symptômes de déliquescence.

       Nouvelle extraite de Au creux du Styx 

 

 

09:41 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)