06/07/2013
Le gêneur 18
Le gêneur innocent 18
Un frisson gluant dégringole le long de sa colonne vertébrale. Alors qu’ils traversent la cour, un effroyable et bestial hurlement agresse les oreilles du nouveau venu. Un second appel retentit, qui n’est pas moins épouvantable que le premier. Puis s’élèvent le troisième, le quatrième, et d’autres encore, entrelacés de ricanements insensés. Les miliciens paraissent totalement indifférents ou insensibles à la cacophonie. Leur visage ne manifeste aucune émotion.
Ce sont les soupiraux qui parlent ce langage sans mots ni grammaire. Les jambes de Meddler flageolent.
Dans les couloirs, la peinture à la couleur méconnaissable s’écaille largement. Le salpêtre étale sa lèpre sur les plaies. Tous les cinq mètres, une ampoule nue de faible voltage trace un cercle blafard au cœur de la pénombre. Ces éclairages d’un jaune maladif sont suspendus au-dessus des portes, dont chacune est marquée d’un numéro. Pas d’autre inscription. Les effluves de la moisissure circulent sur des souffles tièdes.
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05/07/2013
Le gêneur 17
Le gêneur innocent 17
Au milieu de la façade, le portail d’acier s’ouvre lentement et lourdement. L’automobile pénètre dans la cour. Le groupe descend de la jeep, même le chauffeur. Il commence d’arpenter la cour, visiblement satisfait de se dégourdir les jambes. S’arrêtant au milieu du carré, l’homme se campe sur ses robustes jarrets, allume une cigarette, lance une bouffée de fumée vers le ciel livide, enfin se remet à marcher.
Les trois autres bâtiments ne diffèrent pas de celui qui donne sur la rue. Derrière eux, les vantaux se referment avec lenteur et lourdeur. Comme deux mâchoires se rencontrant, ils claquent.
L’un des trois premiers miliciens reste avec le chauffeur. Le lieutenant, l’escorte et le suspect se dirigent vers le bâtiment du fond. Les fumées ont noirci la pierre. Des barreaux hachurent les fenêtres. La crasse opacifie les vitres. Les pavés de la cour sont inégaux et disjoints. Une herbe grise végète dans les fentes. A la base des murs, des soupiraux. Le prévenu voit chaque détail.
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04/07/2013
Le gêneur 16
Le gêneur innocent 16
La jeep les attend devant la porte du magasin. A la place du conducteur, un gorille au nez cassé, au menton balafré. Les miliciens montrent une déférence particulière pour un trentenaire, assis à côté du conducteur. Il a le visage anguleux, les lèvres minces, le nez aquilin et le regard gris acier, très acéré. A son adresse, les phrases des miliciens commencent par « Mon lieutenant ». L’officier décide de l’interroger. L’interpellé ouvre la bouche, montre sa langue, laquelle remue faiblement, mais ne produit pas de son. En signe d’impuissance, il lève les mains, paume dirigée vers le haut. Ses lèvres et ses yeux esquissent un sourire, qui ressemble plutôt à une grimace se voulant aimable. En gusie de remerciement, l’interrogateur le gifle sur chaque joue.
« On t’invite dans notre palace, annonce la brute galonnée. »
Ils le conduisent au Quartier Général, bâtiment long et noirâtre de cinq étages, aux fenêtres munies de barreaux d’acier, situé dans une rue peu passagère. Nulle fioriture architecturale n’adoucit l’inflexibilité des lignes ou la rigidité des angles. Sur la façade sont inscrits ces deux mots : « Hôpital psychiatrique ».
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