16/12/2013
Jean Genet 27
Jean Genet 27
Les Nègres nous renvoient au raciste qui dort en chacun de nous car, même si intellectuellement et moralement nous n’éprouvons que répugnance pour le racisme, nous vivons au cœur de sociétés qui l’ont secrété, au sein desquelles il ressurgit périodiquement. Toujours la xénophobie s’essaye à gagner de nouveaux adhérents. Face à ce danger, la conscience ne peut s’accorder de repos.
Avec Le Balcon, Genet place l’accent sur l’un des problèmes majeurs du XX siècle : la Révolution est-elle possible ? Le peuple ne serait-il pas, au fond, toujours berné ? Les soixante-dix années de pouvoir soviétique prouvèrent que la révolution la plus radicale n’aboutit qu’à un échec d’une indescriptible atrocité.
Les Paravents provoquèrent plus de réaction que les quatre autres pièces, parce que cette grandiose monstruosité heurtait sans précaution le chauvinisme français. Au contraire des premières oeuvres, Les Paravents traitaient d’une actualité alors brûlante, tout en soulignant le fait que la colonisation fut toujours une plaie, un détestable fléau ; du moins est-ce de cette façon que peut s’interpréter « l’écrasement des temps » signalé par Michel Corvin : les Européens costumés selon les modes de 1840 et arborant le drapeau à fleur de lys.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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15/12/2013
Jean Genet 26
Jean Genet 26
Les Paravents
Ce qui, malgré les forces centripètes, garantit l’unité de la pièce, c’est le personnage de Saïd, arabe pauvre et voleur. Il est chargé d’incarner l’irréductible révolte individuelle, le refus des conventions sociales et même de la nouvelle normalité, la Révolution. De même que le bordel, le monde des morts s’affirme comme réalité sur la scène. Les deux groupes qui s’affrontaient, arabes et colons européens, retrouvent une certaine harmonie dans l’au-delà ; leur existence, les passions et les conflits, tout apparaît dénué de sens et la mort même se dissout dans une contagieuse hilarité.
Seul Saïd ne rejoindra pas le monde des morts, car il est tué hors scène. Il devient slogan ou chanson, cri de révolte inassimilable pour le nouvel ordre social.
En résumé, depuis Haute surveillance jusqu’à Les paravents, Jean Genet s’empare avec chaque pièce de thèmes qui touchent de plus larges publics et qui sont, également, susceptibles de causer de plus vives réactions. Nous ne nous sentons qu’assez peu concernés par les affres de Yeux-Verts et consorts, mais dès Les Bonnes, le crime retenu dans les murs de la prison se rapproche dangereusement de « notre » monde : il couve sous la cendre de la haine ancillaire.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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14/12/2013
Jean Genet 25
Jean Genet 25
Les Paravents
Déjà employé dans Le balcon, l’objet « paravent » revêt ici une telle importance que le mot lui-même sert de titre à la pièce. Or, les paravents jouent deux rôles complémentaires et opposés : ils montrent autant qu’ils cachent, car les Arabes dessinent sur eux les exactions qu’ils commettent, réduisant ainsi l’horreur à une entreprise esthétique.
Des cinq pièces de Genet, celle-ci a causé le plus de scandale, parce qu’elle fut jouée au cours de la soi-disant « pacification » pratiquée par les troupes françaises en Algérie. Pièce encore plus ambitieuse que Les Nègres et Le Balcon, elle requiert la partcipation d’une quarantaine d’acteurs, jouant quatre-vingt seize rôles. Le découpage en tableaux, déjà utilisé dans Le Balcon, est repris avec une forte expansion, puisque nous passons de neuf à seize tableaux. Ce mot n’est bien sûr pas synonyme d’acte ; les tableaux jouissent d’une grande autonomie et donnent aux pièces une dynamique très particulière, explosive.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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