07/12/2013
Jean Genet 18
Jean Genet 18
Haute surveillance
Rivaux pour gagner l’estime de Yeux-Verts, Maurice et Lefranc se disputent, et le second tente même d’étrangler le premier. Yeux-Verts sauve l’adolescent, mais finalement une nouvelle altercation aboutit au meurtre de Maurice.
La situation de HS n’est pas sans nous rappeler celle de Huis clos, de Jean-Paul Sartre. La fameuse phrase « L’enfer, c’est les autres. » peut s’appliquer très exactement à l’incarcération. Les trois voyous tournent en rond, aussi bien au propre qu’au figuré. Les thèmes sont ressassés, en particulier le meurtre vécu comme une forme de suicide.
Incapable de se soustraire à la temporalité, donc au poids de ses actes, Yeux-Verts ne s’échappe que symboliquement, à travers de folles visions. L’action de HS se résume à de l’inaction. Tout se passe à l’intérieur du langage. Finalement, nous apprenons que le gardien a vu Lefranc tuer Maurice ; sorte de démiurge, il l’a laissé faire. Ici se vérifie le pessimisme ontologique de Jean Genet. Lefranc se condamnait lui-même a « réussir » le meurtre de Maurice, qu’il avait esquissé au tout début. La circularité se transmue en drame effectif.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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06/12/2013
Jean Genet 17
Jean Genet 17
Haute surveillance
Avant même de lire cette fable, le seul titre suffit à nous renseigner clairement sur le thème abordé : la prison, lieu de formation de la pensée de l’auteur, même si le vagabondage criminel « l’éduqua » tout autant ; le paradoxe de Genet se trouve résumé dans cette contradiction : la totale privation de liberté, d’une part, et l’absolue liberté, d’autre part, si l’on veut bien admettre comme prémisse que le refus des conventions et de la morale aboutit à un réel affranchissement. L’univers mental de Genet s’articule, perpétuellement, autour de ces deux axes. La fable naît à la jonction des deux expériences, complémentaires jusque dans leur opposition. Puis, Jean Genet gagne sa véritable liberté grâce à l’outil de l’écriture : l’artifice du chant transcende le déchirement et magnifie l’abjection.
La pièce compte trois protagonistes : Yeux-Verts, assassin qui doit être décapité ; Maurice 17 ans et Lefranc 23. Tous deux admirent Yeux-Verts, mais Lefranc éprouve de la jalousie, parce que les deux autres entretiennent une relation privilégiée, ce qui ne signifie pas homosexuelle.
Ils évoquent souvent une puissance tutélaire, un Africain surnommé Boule-de-Neige, autre assassin, le héros de la prison. Le gardien ne se montre que deux fois : une première pour servir de messager entre Boule-de-Neige et Yeux-Verts. Ce dernier lègue sa femme au gardien. Yeux-Verts évolue vers la sagesse : il renonce aux biens de ce monde, atteint la sérénité, accepte la mort prochaine.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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05/12/2013
Jean Genet 16
Jean Genet 16
Vers une écriture réflexive
Théâtre de la dérision, dérision du théâtre
Avant toute chose, il me faut reconnaître ma dette intellectuelle certaine envers le préfacier des cinq pièces de Jean Genet, Michel Corvin, qui définit souvent les pièces de Genet comme des « fables ». Le mot me semble juste, pour plusieurs raisons : la fable n’est jamais contée pour elle-même, mais pour l’enseignement que le lecteur ou l’auditeur pourra en tirer ; ce très ancien type d’histoire, qui nous évoque immédiatement les noms d’Esope et de La Fontaine, autorise de multiples interprétations. Lorsque les circonstances historiques ne permettent pas la libre expression, c’est-à-dire la plupart du temps, la fable sait cacher, sous d’acceptables apparences, les vérités inacceptables pour les tyrans. Il suffit de déplacer les aberrations et l’horreur de cette époque et de ce pays vers d’autres circonstances, de préférence totalement imaginaires, afin de produire l’illusion d’un récit parfaitement inoffensif, qui ne concerne pas les autorités en place.
Le caractère commun aux pièces de Genet, certainement, est l’irréalisme des situations mais, par ailleurs, chacune d’elles nous renvoie à des réalités sociales, historiques et politiques connues.
Cela nous amène à l’étude, ici seulement esquissée, de chacune des cinq pièces.
Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.
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