22/04/2014
le réquisitoire 11
Le réquisitoire 11
Hélas, même les vies les mieux réglées peuvent traverser des zones tempêtueuses, comparables à celle du Cap Horn. Même lorsque l’on est issu d’une nation de marins, l’aventure peut devenir désagréable.
De plus en plus nombreux furent les lecteurs qui rapportèrent des volumes amputés de leur conclusion. Le mal gagna bientôt les recueils de contes et de nouvelles, puis les pièces de théâtre, sans épargner aucun auteur, pas même le plus vénéré d’entre eux, j’ai nommé l’iremplaçable, l’inoubliable William Shakespeare ! Or, s’attaquer aux œuvres du « playwright » est presque aussi sacrilège que de détruire des exemplaires de la Bible.
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21/04/2014
Le réquisitoire 10
Le réquisitoire 10
L’excentricité de la bibliothécaire londonienne présentait l’avantage d’être invisible, insaisissable. Lorsque Miss Edith Bookworm lisait un roman, une nouvelle, un conte ou une pièce de théâtre, elle se passionnait tant pour l’histoire qu’elle finissait par se prendre pour l’héroïne ou le héros de celle-ci. Donc, les aventures n’étaient pas seulement contées. Il falalit qu’elles se fussent réellement produites. Ainsi, la paisible employée avait vécu mille destins contradictoires, sur les cinq continents, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours et même au-delà, puisqu’elle ne dédaignait pas la science-fiction. La préférence de la lectrice invétérée la portait vers les destins glorieux. La demoiselle vivait sur deux plans différents, que reliait l’objet nommé « livre », mais l’usage qu’elle faisait du « book » différait totalement selon qu’elle assumait les fonctions de bibliothécaire, ou qu’elle s’isolait dans son « home, sweet home », dans la banlieue qui jamais ne semble devoir finir, comme la multitude des livres.
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20/04/2014
Le réquisitoire 9
Le réquisitoire 9
Miss Edith Bookworm était de ceux-là, mais elle eut la chance, pour la majeure partie de sa vie, de pouvoir cultiver son excentricité, en toute impunité, dans le cadre de son activité professionnelle. En apparence, rien ne la distinguait des autres londoniens, c’est-à-dire de « l’Anglais moyen », puisque, comme le sait même le plus ignare des touristes, la capitale concentre à elle seule tous les défauts et qualités, les charmes et les tares d’un peuple…
Une passion emplissait la vie de la « spinster », mot traduisible par « vieille fille » : celle des livres. La chose paraîtra naturelle, et nous ne contesterons pas ce fait. Dans le cas de la demoiselle, la passion occupait sa vie de toutes les manières possibles : son seul loisir était la lecture ; elle achetait des centaines de livres, dont les tranches finirent par couvrir les murs de sa maisonnette. Miss Bookworm cultivait la fréquentation des grands classiques mais se tenait aussi au courant des nouveautés ; elle lisait les articles de critique littéraire, les appréciait à son tour, bien ou mal ; réalisait des fiches de lectures, qu’elle parcourait périodiquement, si bien qu’elle devint le puits de littérature qu’elle avait ambitionné d’être.
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