19/04/2014
le réquisitoire 8
Le réquisitoire 8
Jamais la demoiselle n’avait exercé d’autre profession que celle de bibliothécaire. Elle avait débuté à l’âge de vingt et un ans, après ses études universitaires, dans une petite ville proche de Cambridge. Employée sérieuse et consciencieuse, elle avait tracé son chemin dans la forêt des livres, emplis de connaissance ou de fictions.
Nos voisins britanniques sont réputés pour leur capacité paradoxale d’associer deux comportements, qui nous paraissent incompatibles : le conformisme le plus étriqué et l’excentricité la plus débridée. Peut-être n’est-ce là qu’un cliché, que nous autres gaulois aimons colporter à propos de l’ex « ennemi héréditaire ». Quoi qu’il en soit, les personnes les plus intéressantes ne sont-elles pas celles qui savent concilier, dans leur existence quotidienne, ces deux pentes opposées ? Cela présuppose un dédoublement de la personnalité, le conformisme le plus sourcilleux servant de paravent à l’autre versant, l’invisible, le caché, que l’excentrique ne dévoile qu’à de rares initiés. Tout se passe bien, jusqu’au jour où l’excessive originalité ne peut plus être contenue, fait craquer les coutures du costume de respectabilité, dans lequel le faux conformiste se sentait comprimé, jusqu’à presque étouffer.
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18/04/2014
Le réquisitoire 7
Le réquisitoire 7
Comme l’indique le mot » Miss », elle était célibataire. Sa silhouette maigre, sans grâce, la platitude de sa poitrine, son visage où la beauté s’était gardée de s’épandre, sa voix aigrelette, suffiront peut-être à expliquer l’état de célibat dans lequel nous la trouvons, quinquagénaire devenue. Il était difficile de savoir si la sempiternelle froideur de sa couche virginale lui inspirait ou non de l’amertume. Elle ne manifestait que peu d’intérêt pour les conversations des autres femmes sur les mérites respectifs, évidemment inégalables, de leur progéniture. La plupart du temps, elle portait des jupes droites, qui descendaient en dessous du genou. Si le temps devenait vraiment chaud, elle mettait une robe plus légère, mais toujours d’une irréprochable décence.
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17/04/2014
Le réquisitoire 6
Le réquisitoire 6
Sur sa capacité à diriger la grande bibliothèque, il n’y avait rien à redire. Tous les services étaient correctement organisés. La gestion du budget ne présentait pas de faille. Les relations, tant professionnelles que personnelles, étaient bonnes, du moins aussi bonnes qu’elles peuvent l’être sur un lieu de travail, où l’envie ne se tait jamais complètement. Monsieur le Conservateur savait diriger les gens, de manière à tirer le meilleur de chacun. Il reconnaissait les mérites et les récompensait dans un esprit de justice. Pour toutes ces excellentes raisons, il était aimé.
Miss Edith Bookworm était issue de l’université de Cambridge, la concurrente d’Oxford. Son niveau d’études n’était pas aussi élevé que celui du Conservateur, mais elle avait tout de même le titre de « Bachelor of Arts », c’est-à-dire qu’elle était licenciée ès Lettres.
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