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20/06/2013

Le gêneur innocent 2

Le gêneur innocent 2

 

    A d’autres moments, la candeur du trublion le poussait à s’accuser en public de turpitudes partiellement imaginaires, de fautes desquelles il se plaisait à exagérer la gravité. Ainsi réalisait-il le monstrueux compromis entre la confession et l’autocritique. Là résidait sa radicale innocence. Il se croyait, par le regard des autres, à chaque instant perforé. Qu’était ce regard ? La vrille de l’inquisition catholique ou des purges communistes ?  L’appréhension le capturait, comme le filet le poisson. La crainte du jugement potentiel le transformait en coupable. L’excès de sa candeur l’accusait. Le Gêneur était coupable d’innocence.

    Sa sincérité frisait la misanthropie, si bien que toujours et partout il se rendrait insupportable. Qui tolérerait d’entendre clamer crûment, ce que tous sagement s’évertuaient à oblitérer ? Le tort rédhibitoire du Gêneur était de bafouer les subtiles règles de la tartufferie sociale, appliquées dans l’intérêt d’une paix de surface, à grand peine jour après jour maintenue. Le briseur de silence ignorait le code tacite de la bienséance. Aussi méritait-il les plus déshonorants des châtiments. Souvent, il avait été averti :

Nouvelle extraite de Au creux du Styx   

10:12 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

19/06/2013

Le gêneur innocent 1

Le gêneur innocent 1

 

     Toujours et partout, l’artiste nommé Thomas Meddler sut qu’il gênait les autres. Il avait ce savoir intuitif des gens dont la réflexion, à cause même de sa profondeur, paraît lente. De très sérieuses affaires pressaient les gens. Leurs mouvements étaient nécessaires et s’avéraient souverainement efficaces, du moins aussi longtemps que sa profondeur ne les entravait pas. Certes, il n’aurait pas dû se trouver là. Pire encore : il eût fallu qu’il se trouvât en un ailleurs, si lointain que personne, même muni de jumelles ou d’un télescope, n’aurait pu l’apercevoir. Avec l’horizon il se serait confondu. Il serait devenu, de cette ligne mythique, une particule microscopique. 

    Les gens le surnommèrent « le Gêneur » ou « le Trouble-fête ». Au cours de réunions familiales ou professionnelles, si les participants se congratulaient de parvenir à l’unanimité, s’ils chantaient les vertus fédératrices des lieux communs, l’empêcheur de bêtifier ne savait  dissimuler ni ses doutes, ni ses plus cruelles vérités. Parfois, excédé d’avoir contenu des remarques jugées déplaisantes ou peu sociables, qu’il aurait pu l’une après l’autre égrener, à condition de les envelopper de mots douceâtres, de considérations suavement édifiantes et de poncifs lénifiants, toutes à la fois il les débondait. Les cibles de ce flot critique étaient atterrées. Quelle mouche porteuse du virus de l’agressivité l’avait piqué ? Pourquoi, soudain, épanchait-il ces vagues de venin ? 

 

Nouvelle extraite de Au creux du Styx

09:29 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0)

18/06/2013

PLC 6

Paul-Louis Courier, ou «  La plume indomptée  » (6) 

 

    Mais il est temps de conclure, aussi je ne vous dirai que ceci : lisons et relisons le livre de Lautman, et, grâce à ce travail d’une très  belle facture ; redécouvrons Courier, l’écrivain deux fois enterré. Rendons justice à l’une des meilleures, des plus exigeantes   plumes de notre littérature et à l’homme assassiné, parce qu’il osait penser librement et clamer sa pensée sur la place publique ; assassiné, aussi, parce que trop de gens

 (au goût du pouvoir) le lisaient  et riaient aux dépens des vieilles badernes et du parti prêtre.  Car tout écrivain qui a, à l’instar de Pascal, Voltaire ou Paul-Louis Courier,  bravé le despotisme, ou, comme ce dernier seul,  risqué sa vie pour défendre le droit du petit peuple laborieux, avec un tel bonheur  d’expression, avec un art aussi consommé du rire sacrilège,  mérite plus que notre respect : nous lui devons notre admiration. 

 

 

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