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22/05/2014

La peur 3

La peur 3

 

    Georges ne connaissait pas les terrifiantes voix de la colère, ni les hurlements jaillis du ventre puant de la rancœur, ce ressentiment qui ligote les impuissants. Le garçonnet se sentait ficelé sur le lit, comme si la peur s’était transformée en une touffe de lianes vivantes et peut-être carnivores. L’enfant appelait sa sœur aînée, Laure, qui n’avait qu’un an de plus que lui. Georges pleurait abondamment, et il lui semblait que depuis toujours il pleurait, que plus jamais il ne cesserait de pleurer.

     Souvent, la chambre n’était pas totalement obscure, car la partie supérieure de chacun des volets de bois était percée d’un trèfle à quatre feuilles, censé porter bonheur à la famille. La fenêtre, orientée vers l’Est, était dépourvue de rideaux. Lorsque le ciel n’était pas couvert, par les deux trèfles s’infiltraient la laiteuse clarté de la lune et les lueurs scintillantes des étoiles.

  

09:02 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

21/05/2014

La peur 2

La peur 2

 

A l’arrière-plan de cette véhémence et virulence, traînaient des gémissements de supplication, et la supplique aux sons pâteux, très mal articulés, rappelait la voix paternelle, aussi  enlaidie que celle de la mère, quoique d’une manière différente, car   démesurément étirée vers le haut, rachitique et  squelettique. 

     Ce qui de la nuit s’élevait, en brisait la tranquillité, n’était pas un dialogue. Il était patent que les adversaires ne s’écoutaient pas, ni ne voulaient s’entendre.  Deux monologues se juxtaposaient, qui avaient  commencé en pleine solitude, sur la scène de ce théâtre intime, où l’on se joue la tragi-comédie de l’existence.  Sous couvert de l’obscurité, les deux discours parallèles et antagonistes  se débondaient, telles les eaux sales dans le caniveau, déchargeant les poisons du ménage. Plus rarement, le fracas d’un objet sur le carrelage, le bris d’une assiette se pulvérisant contre le mur.

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20/05/2014

La peur 1

La peur 1

 

    Pour Georges, au commencement de la mémoire, il y eut la peur, une peur tellement abominable qu’elle fouaillait ses boyaux, puis se muait en terreur.

    Le garçonnet ne comprenait pas ce qui se passait en bas, au rez-de-chaussée. Courroucés, des cris s’élevaient ; une voix féminine les projetait, qui vaguement ressemblait à la voix maternelle, mais comme à un visage aimé, l’image cauchemardesque d’une figure reflétée dans un miroir déformant, et en l’occurrence horriblement élargie, comme si la personne avait été brusquement atteinte d’obésité.  La voix même de la colère, venue de très loin, de mémoires antérieures à celle du fils, où son inexpérience ne lui permettait pas d’accéder. Georges entendait une kyrielle de reproches et des aboiements rageurs, auxquels il ne comprenait rien.

 

     

09:13 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)