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11/01/2015

Joyce 12

Ulysse, l’œuvre multidimensionnelle (12)

(Conférence, donnée au LAC , le 12 avril 2014)

 

IV Méthode et grandes lignes (Suite)

 

     Bien que né en Irlande, Bloom reste étranger, à cause du regard d’autrui qui le classe comme Juif. A la question « Pourquoi un étranger ? » Joyce répondit : « Parce que seul un étranger pouvait convenir ».  Dépassionné, Bloom observe Dublin avec une grande liberté. 

    Il sait que sa femme, chanteuse d’opéra, va le tromper, avec une image de mode, l’imprésario Blazes Boylan ; elle a une double origine, espagnole et britannique. L’impétuosité du sang ibérique l’emporte.

   Bloom est un mari complaisant, parce qu’il respecte la liberté de chacun. Cela ne signifie pas qu’il ne souffre pas, mais la souffrance s’exprime de façon assourdie. Au long de la journée, il éprouve une relative perte d’équilibre mais, progressivement, il se rétablit. La rencontre avec Stephen écarte sa pensée de la trahison. Il aimerait trouver, en Stephen, un fils d’adoption, qui remplacerait son fils mort en bas âge. 

     Précisons, par ailleurs, que « to bloom » signifie « s’épanouir » ; la racine du mot anglais est l’allemand « die Blume », la fleur. Joyce utilise cela, pour maints calembours. 

   L’écrivain était obsédé par ce qu’il  appelait la trahison du peuple irlandais, envers ses chefs rebelles. L’exemple le plus récent était celui de Parnell, qu’une affaire de divorce et de concubinage avait abattu, avec la complicité de l’Eglise catholique.

 

 

04/01/2015

Ulysse 11

Ulysse, l’œuvre multidimensionnelle (11)

(Conférence, donnée au LAC , le 12 avril 2014)

 

IV Méthode et grandes lignes

   L’action se déroule en une journée, le 16 juin 1904, dans les rues de Dublin. A L’odyssée, Joyce emprunte l’armature ; la capitale de l’Irlande lui fournit les matériaux, grâce à sa tante Joséphine, qui lui envoie les documents nécessaires. L’écrivain veut nous donner une image précise de la ville.

   Le livre est divisé en trois parties. Dans la première, la mélancolie de Stephen  Dedalus domine. Le jeune professeur, deuxième personnage principal, incarne le fils d’Ulysse, Télémaque. Il présente aussi des similitudes avec Hamlet.

    De loin la plus longue, la deuxième partie  (douze chapitres)   nous décrit les déambulations de Léopold Bloom, fils de Virag, immigré juif hongrois. Les persécutions, que subirent les peuples juif et irlandais, justifient le rapprochement, voulu par Joyce.

     Baptisé protestant par commodité, devenu catholique pour se marier, mécréant  par nature, Bloom sert de fil d’Ariane. Ses origines étrangères et sa bonne connaissance de la ville font de lui  le guide idéal, pour nous révéler l’envers du décor. 

   L’une des caractéristiques déroutantes d’Ulysse est l’absence d’un narrateur unique ; des narrateurs vont et viennent, sans qu’ils soient nommés, d’où multiplicité de points de vues. Les monologues intérieurs sont transcrits, sans que la ponctuation nous avertisse du changement de voix.

    Le thème principal du livre, selon Stephen, serait : « Le mot le plus connu des hommes : l’amour ».

 

   Oui, l’amour, sous toutes ses formes, physique ou non. L’idéal  tend vers l’harmonie du corps et de l’âme. Stephen, Bloom et Marion (dite Molly), épouse de Bloom, se donnent ce but, comme alternative à une histoire faite de violences. 

29/12/2014

Ulysse 10

Ulysse, l’œuvre multidimensionnelle (10)

(Conférence, donnée au LAC , le 12 avril 2014)

 

III Le projet joycien 

 

     Pour ces raisons, la parenté des livres d’Homère et de Joyce ne peut être qu’analogique. La difficulté consiste à décrypter la foule de symboles, puisés dans les domaines les plus variés de l’expérience et de la connaissance. Joyce a digéré l’essentiel de la culture occidentale et judéo-chrétienne. De plus, il est polyglotte, d’où la prolifération de mots  étrangers.  Il puise dans cet énorme réservoir, pour truffer le texte d’allusions. L’ironie de l’écrivain n’épargne rien ni personne.

   Selon Andrew Gibson, biographe et critique, à partir du chapitre 9, les styles introduisent des parodies, distorsions des discours néocoloniaux, afin de les ridiculiser. Gauchis, les mots font surgir sur le devant de la scène l’Irlandais ordinaire, que les maîtres voulaient ignorer. Joyce manipule l’anglais comme une arme, pour semer le trouble.

    Gibson compare Ulysse à un immense graffiti, qui s’étale sur un mur, prêt à s’effondrer. Il sape les bases des deux empires, le britannique et le catholique romain.

     Au total, livre fortement enraciné dans l’histoire irlandaise, Ulysse est aussi très moderne, parce que subversif et insolent. Il s’agit de tuer l’ennemi, le prêtre et le roi, par le rire.

    Cependant, Gibson souligne le paradoxe d’une certaine acceptation, un peu résignée, du fait que les deux pouvoirs ont laissé des traces indélébiles. Le dernier chapitre, bouleversant et comique monologue féminin, commence et finit par yes. Or, le point de vue de la femme irlandaise est capital, car elle était dominée par l’homme, lui-même soumis aux deux empires.