Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/03/2015

Ulysse 23

Ulysse, l’œuvre multidimensionnelle (23)

(Conférence, donnée au LAC , le 12 avril 2014)

 

Deuxième partie

 

9 Scylla et Charybde : Scylla, monstre à plusieurs têtes, aux terribles mâchoires ; Charybde, tourbillon qui engloutit les navires.

   A la Bibliothèque nationale, il est quatorze heures. Stephen expose sa théorie esthétique. Il se déclare disciple de la philosophie d’Aristote, basée sur la notion d’espace, alors que Platon attache plus d’importance aux essences. En termes pompeux, l’esthète exprime ses idées sur le corps et l’esprit, l’Histoire contre la pure abstraction, la scholastique contre le mysticisme.

    Pour démontrer sa théorie, Stephen veut intégrer à Shakespeare le « ici et maintenant ».  Il invoque des « faits », même s’il doit opérer des distorsions. La fin du 19e connut la mode de biographies shakespeariennes. D’hypothèses on parla comme de « faits ». Joyce avait lu ces biographies fantaisistes. 

    Stephen considère que la paternité est une « fiction légale », la maternité « la seule véritable chose de la vie ». A force d’affirmer le devoir qu’a l’écrivain de transformer le matériau brut de l’existence en œuvre artistique, il cède à l’obsession esthétique. La thèse de Stephen consiste en ceci : Shakespeare joue son propre rôle, en s’adressant à Hamlet. Il eut un fils, Hammet, qui mourut à l’âge de onze ans. Le dramaturge fut « assassiné » par sa femme, Anne Hathaway, c’est-à-dire trompé. Sur la scène, nous assistons à une inversion de la réalité, puisque le père fantôme parle au fils vivant.

     Stephen affirme aussi que Shakespeare était obsédé par la trahison, l’adultère, le fratricide et l’usurpation, thèmes récurrents de ses pièces. Beaucoup de ses héros « noirs » portent les noms de ses frères, Edmond et Richard.

   Le discoureur ne cesse de penser à sa pauvreté ; il porte des chaussettes prêtées, trouées. Il y a une contradiction perma-nente entre la subtilité du propos et la trivialité des préoc-cupations. Conclusion : la vie n’est qu’une suite de jours et nous ne rencontrons personne d’autre que nous-mêmes.

    La bibliothèque est perçue comme un tombeau, où les pensées des auteurs sont momifiées, dans les livres qui  soufflent des idées fantomatiques aux vivants, pour les pousser à l’action. D’où, entre autres, l’allusion à Don Quichotte et la nécessité d’une épopée irlandaise.

    Un employé vient avertir le bibliothécaire qu’un Monsieur veut compulser des journaux de l’an passé. Il s’agit de Bloom, que Mulligan appelle aussitôt « le youpin ». Il a vu Bloom au musée, reluquant une statue d’Aphrodite, à la recherche d’un hypothétique anus.

      Stephen suit à contrecœur Mulligan, le paillasse assoiffé. Il renonce à exercer sa propre volonté. 

13/03/2015

Ulysse 22

Ulysse, l’œuvre multidimensionnelle (22)

(Conférence, donnée au LAC , le 12 avril 2014)

 

Deuxièe partie

 8 Lestrygons, géants anthropophages

 

Bloom est conscient du fait que tout le monde veut manger. Il est partagé entre l’appétit et le dégoût, la faim et le découragement. Il reproduit, dans l’espace, des mouvements digestifs, dits « péristaltiques » en allant et venant, devant le restaurant de Byrne.

   Il aperçoit une fille de Dedalus, maigre et en guenilles. Dedalus a eu quinze enfants. D’où des réflexions très néga-tives sur la formule « Croissez et multipliez ». Les prêtres, eux, ne se privent de rien.

   Les hommes sandwiches défilent, pour la publicité du papetier Hely, rappel du prophète Eli. Ces travailleurs se contentent de pain et « d’une soupe d’eau chaude » .     Passent des policiers, gavés de nourriture grasse. Mme Breen apprend à Bloom que Mme Purefoy souffre depuis trois jours, à la maternité. La pauvre femme va de grossesse en grossesse.

 

    Bloom a faim depuis longtemps, il se sent mal,  comme si on « l’avait mangé puis vomi ». Il va déjeuner chez Burton, mais le spectacle  de la goinfrerie l’écœure. Il prend un en-cas de médiocre qualité, chez Byrne et y rencontre Blair Flynn, dit Nosey, parce qu’il a un long nez et le fourre dans les affaires des autres. Ils commentent un match de boxe, où un Irlandais a gagné contre un soldat anglais. 

07/03/2015

Ulysse 21

Ulysse, l’œuvre multidimensionnelle (21)

(Conférence, donnée au LAC , le 12 avril 2014)

 

Deuxième partie

 

 

7 Éole, dieu du vent, qui emporte les paroles

   Nous voici dans les bureaux du Freeman’s Journal et du Evening Telegraph. Dans ce chapitre,  Stuart Gilbert et Linati, ont relevé une centaine de figures de styles.

    Des intellectuels de second rang étalent leur science shakespearienne. Ils analysent les discours d’orateurs grecs ou irlandais. Le métier moderne de la persuasion, le journalisme, est omniprésent. L’institution de la presse est considérée avec scepticisme et affection. Joyce avait écrit, dans le Irish Homestead. De nombreux journalistes sont cités. En défini-tive, les presses jouent le rôle principal.  Nous suivons leur rythme, nous assistons à l’impression des mots, lettres à l’envers qui rappellent à Bloom la lecture de l’hébreu.      

    Il négocie la publication d’une annonce, pour Cleyes, nom où les mots « clé » et « eyes » se trouvent combinés. Pour frapper les esprits, il propose l’image de deux clés croisées,  symbole de l’autonomie refusée à l’Irlande. Il croise Stephen, venu proposer l’article de Deasy, son directeur. C’est la première fois qu’ils se rencontrent, ce jour-là. La fois précé-dente remonte à dix ans plus tôt.

    Commentateur d’Ulysse, Jerry Jonson voit, dans cet épisode l’intervention d’un perturbateur, qu’il nomme l’Arrangeur, afin de le distinguer du narrateur. L’Arrangeur considère le livre d’abord comme objet matériel.  On peut jouer avec la narration, en extraire des éléments, les déplacer, pour créer la surprise. Ici, l’Arrangeur devient rédacteur et s’attaque au papier, découpe la copie et insère des titres, sans rapport avec la suite. La marque de l’Arrangeur est l’irrévérence.

 

    L’épisode le plus hilarant est celui des deux dublinoises célibataires, qui montent par l’escalier, jusqu’en haut de la colonne Nelson, puis prennent leur pique-nique sur la plateforme, d’où elles crachent des noyaux de prune. Le monument du vainqueur de Trafalgar se voit réduit à un perchoir, pour deux irlandaises très ordinaires.