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17/12/2013

Jean Genet 28

Jean Genet 28 (Fin)

 

    De plus, à mesure que Genet progresse dans l’élargissement thématique et décrit des situations toujours plus provocantes, il maîtrise aussi davantage la mise en scène et l’art dramatique en général. Surtout à partir des Nègres, il a multiplié les instructions scéniques et s’est arrangé pour que son théâtre demeure sa chasse gardée. Faut-il y voir la revanche du misérable voleur et vagabond, qui ne possédait rien que ses poux et l’abjection ?

    En guise de conclusion provisoire, je citerai, de Michel Corvin, cet extrait de l’article paru dans Genet, livre pour l’exposition de Tours, en 2006 :

     « Désormais Genet a tout compris du théâtre et il peut s’en détacher définitivement  comme de l’art du faire semblant qui construit un être de néant avec des images, elles bien réelles. Contradiction féconde dont les dénouements du Balcon, des Paravents et déjà des Nègres portent témoignage avec une grande vigueur. Finalement, telle est la réponse au « Pourquoi le théâtre ? ». Toute sa vie Genet a été hanté par la recherche d’une identité en creux, ontologiquement vide mais accédant à la plénitude de l’apparence par la beauté. Beauté du crime ou beauté d’un poème. » P. 138

 

    Oui, car Genet fut et restera d’abord poète :  même la plus « politique » de ses pièces, Les Paravents, résiste aux interprétations qui la réduirait au statut d’œuvre simplement partisane car, même lorsqu’il prend parti, Jean Genet ne cesse de considérer les hommes et leur agitation avec une tendre et cinglante ironie. Son scepticisme ne s’ensommeille pas. C’est là l’une des qualités indispensables à l’exercice du métier d’écrivain.     

 

 

Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.

09:04 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)

16/12/2013

Jean Genet 27

Jean Genet 27

 

   Les Nègres nous renvoient au raciste qui dort en chacun de nous car, même si intellectuellement et moralement nous n’éprouvons que répugnance pour le racisme, nous vivons au cœur de sociétés qui l’ont secrété, au sein desquelles il ressurgit périodiquement. Toujours la xénophobie s’essaye à gagner de nouveaux adhérents. Face à ce danger, la conscience ne peut s’accorder de repos.

    Avec Le Balcon, Genet place l’accent sur l’un des problèmes majeurs du XX siècle : la Révolution est-elle possible ? Le peuple ne serait-il pas, au fond, toujours berné ? Les soixante-dix années de pouvoir soviétique prouvèrent que la révolution la plus radicale n’aboutit qu’à un échec d’une indescriptible atrocité. 

    Les Paravents provoquèrent plus de réaction que les quatre autres pièces, parce que cette grandiose monstruosité heurtait sans précaution le chauvinisme français. Au contraire des premières oeuvres, Les Paravents traitaient d’une actualité alors brûlante, tout en soulignant le fait que la colonisation fut toujours une plaie, un détestable fléau ; du moins est-ce de cette façon que peut s’interpréter « l’écrasement des temps » signalé par Michel Corvin : les Européens costumés selon les modes de  1840 et arborant le drapeau à fleur de lys.

 

 

Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.

 

 

 

 

      

09:03 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)

15/12/2013

Jean Genet 26

Jean Genet 26

 

Les Paravents

 

     Ce qui, malgré les forces centripètes, garantit l’unité de la pièce, c’est le personnage de Saïd, arabe pauvre et voleur. Il est chargé d’incarner l’irréductible révolte individuelle, le refus des conventions sociales et même de la nouvelle normalité, la Révolution. De même que le bordel, le monde des morts s’affirme comme réalité sur la scène. Les deux groupes qui s’affrontaient, arabes et colons européens, retrouvent une certaine harmonie dans l’au-delà ; leur existence, les passions et les conflits, tout apparaît dénué de sens et la mort même se dissout dans une contagieuse hilarité.    

    Seul Saïd ne rejoindra pas le monde des morts, car il est tué hors scène. Il devient slogan ou chanson, cri de révolte inassimilable pour le nouvel ordre social.           

En résumé, depuis Haute surveillance jusqu’à Les paravents, Jean Genet s’empare avec chaque pièce de thèmes qui touchent de plus larges publics et qui sont, également, susceptibles de causer de plus vives réactions. Nous ne nous sentons qu’assez peu concernés par les affres de Yeux-Verts et consorts, mais dès Les Bonnes, le crime retenu dans les murs de la prison se rapproche dangereusement de « notre » monde : il couve sous la cendre de la haine ancillaire.

  

Article paru en 2010, dans Art et Poésie de Touraine et Florilège.

 

 

09:38 Publié dans Essais | Lien permanent | Commentaires (0)