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05/03/2013

Voyage au Pays d'Haistybradu (7)

Voyage au Pays d’Haistybradu (7)

 

   Les nécessités de la survie exigèrent que, chaque soir, afin de nous désaltérer, nous campions à proximité d’une source ou d’un ruisseau, dont j’avais préalablement repéré la position sur la carte topographique ; il me fallait alors emplir l’outre, dont le contenu nous permettrait, le lendemain, de poursuivre la route. Cette eau si vitale, nous l’avons fraternellement partagée, en animaux unis par le même besoin, qui nous intimait son irrévocable appel. J’en versais régulièrement des rasades dans l’écuelle où Roc et Puissant buvaient ensemble. A ma ceinture était accrochée une gourde que, souvent, je portais à mes lèvres, pour y savourer un liquide désagréablement tiédi par la chaleur poussiéreuse et brûlante de la lande. 

    Durant la traversée, chaque nuit, Roc se blottit contre moi. Il m’épargna ainsi le contact ondulatoire des serpents. Nous nous réchauffions et rassurions mutuellement, chacun se reposant sur la force du voisin. De plus, ma main droite resta, même lorsque mon esprit semblait abdiquer sa vigilance, figée sur la crosse du revolver, lui-même enfoui tel l’aspic dans son trou, au fond d’une poche de ma vareuse.

    

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04/03/2013

Voyage au Pays d'Haistybradu (6)

Voyage au Pays d’Haistybradu (6)

 

    Ce n’est pas que la contrée se veuille seulement inhospitalière pour l’homme. Elle lui serait même hostile, à cause d’un décret de la Nature, laquelle aurait décidé d’écarter le voyageur téméraire de la démence qui sévit là-bas, au-delà de cette morne succession de chemins rectilignes, défoncés par l’hiver de glace puis craquelés par la fournaise de l’été. Les arbres très isolés, qui persistent au cœur de la désolation, sont effeuillés ; leurs branches noircies parsemées de croûtes blanches se plantent dans le ciel, comme autant d’inefficaces racines dans un sol stérile.

    Au fond, cette hostilité sera bienfaisante, pour qui entendra le message et rebroussera chemin, avant d’avoir franchi le pas supplémentaire et fatidique, par-delà la frontière.

    Au cours de l’angoissant périple, aux confins de la solitude et du désespoir, je dus bivouaquer, car il ne fallait pas escompter trouver, entre abandon et dissidence, ni auberge, ni gîte où reposer le corps harassé par douze heures de marche. J’ajouterai que ce mode de locomotion n’est pas uniquement un choix physique, mais aussi une manière de déplacer la pensée d’un objet à l’autre, dans une approximation tâtonnante de la vérité, qui toujours se dérobe.

     

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03/03/2013

Voyage au Pays d'Haistybradu (5)

 Voyage au Pays d’Haistybradu (5)

 

   Quant aux hommes, du paysage ils s’étaient exilés, et ceci, supposai-je, de façon définitive ; ou sinon, ce fut peut-être la terre elle-même qui les avait exclus, comme si, en cette portion de la planète, le mariage entre la Nature et l’Homme s’apparentait à un mirage. Ainsi, je parcourus les trois cents derniers kilomètres sans rencontrer âme qui vécût. La lande revêche aux arbustes épineux et à l’herbe grise de poussière, déposée là par l’impitoyable chaleur estivale, s’établit sans conteste entre les quatre poins cardinaux.

    Cette zone, sur laquelle aucun gouvernement n’exerce de contrôle effectif, est animée presque uniquement par la présence fuyante des reptiles, rongeurs et petits carnassiers ; si l’on excepte les rapaces (buses, éperviers, faucons et vautours) qui, par moments labourent le ciel de leurs ailes meurtrières, d’ici l’oiseau pour toujours s’est échappé (à moins qu’il n’y parût jamais) comme si le ciel sur cette terre de déréliction était descendu trop bas pour autoriser l’envol de leur joie. Ici, rien ne chante ; quant à la palette, elle s’est appauvrie, ne laissant au peintre que les nuances du brun, du gris et du noir.

         

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