22/12/2012
La statuette (11)
La statuette (1)
Onzième épisode
Les voix d’outre-tombe ont parlé, sans que Delapesadilla puisse les refouler :
« - Pépère, j’ai peur de dormir. Tu sais, il y a une mauvaise bête, cachée sous le lit. Toute la nuit, je l’entends gratter le bois. Elle couine aussi sans arrêt. J’ai peur d’elle, Pépère. Je suis sûr qu’une nuit elle me mordra. Peut-être qu’elle me mangera.
-Je vais regarder sous le lit. Si un animal féroce se terre là, j’irai chercher ma carabine, et gare à la saleté ! Tu sais que je ne rate jamais ma cible. Non, je n’y vois qu’un peu de poussière. Mémère ne balaye pas tous les jours dans cette pièce. Elle le fera demain. Tu n’as rien à craindre, mon petit. Si tu entends couiner, ce sera la souris.
-Une souris ? Est-ce que ça mord ? Est-ce que ça monte sur les lits ?
-Non, jamais ! »
A ce point précis, l’enfant s’est interrogé. Pour la première fois peut-être, il a douté de la parole du grand-père, car il l’avait entendu raconter comment, se réveillant une nuit, le vieil homme avait eu la désagréable surprise de se trouver nez à nez avec une représentante de l’espèce trotte menue. De plus, Mémère ne s’était-elle pas souvenue, en sa présence, qu’un vieux cousin était mort étouffé, parce que l’une de ces bestioles, peut-être attirée par les remugles de la digestion, s’était faufilée dans le gosier du dormeur, mais n’avait pu ensuite en sortir ?
« - Il ne faut pas t’inquiéter pour si peu. Je ne pense pas qu’elle est entrée ici. Il n’y a pas de crottes sur le carrelage. Avant de me coucher, je vais poser des pièges, partout dans la maison. Et si tu veux, le chat viendra dormir dans ta chambre. Qu’en dis-tu ?
- Oh oui, Pépère ! J’aime bien Minet. Il ronronne si fort !
- Dors bien, mon petit. Bonne nuit.
- Bonne nuit, Pépère. Je n’ai plus peur, maintenant. »
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21/12/2012
La statuette (10)
La statuette (1)
Dixième épisode
D’étranges voix se sont élevées. Comme des plantes, elles ont poussé dans le terreau du silence. Etranges, parce que familières du passé, mais inaudibles au cœur du présent, sauf dans les rêves. Qui prend le temps d’écouter les morts? Il est vrai que, dans la ville où travaillait Delapesdilla, peu de gens s’arrêtaient pour écouter les vivants. Tous couraient d’une tâche à l’autre, d’une « affaire » à l’autre. Tous étaient donc très « affairés ». Louable affairement ! Il donne l’impression de vivre, et fait exister. Chacun remplit sa vie comme il le peut, comme l’oiseau capitonne son nid, avec des matériaux de hasard.
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20/12/2012
La statuette (9)
La statuette (1)
Neuvième épisode
Parmi les descendants, personne ne voulut conserver le bien maudit. La mise en vente chez un notaire fut aussitôt décidée, mais rares furent les acquéreurs potentiels. Le panneau « En vente » restait accroché sur le panneau de la porte, sans effet notable. Peu à peu, l’habitation se délabra, s’ouvrit aux quatre vents, à la pluie, la neige et la gelée, qui la dévastèrent. Dix ans après le drame, les ronces jetèrent sur le site une rébarbative couverture. Nul ne désira construire à neuf à cet endroit, jugé trop isolé. Le lieu fut condamné à un total et définitif abandon.
La sorcellerie du rêve peut tout, et plus particulièrement, accomplir ce que la réalité ne saurait jamais réaliser: l’effroyable beauté de l’impossible. La nuit dernière, l’océan noir des songes a soulevé Angel Delapesadilla de vague en vague, l’a porté de crête écumeuse en crête écumante. Ce cheminement d’une belle folie l’a ramené dans la maison par magie reconstruite.
Ses grands-parents sont ressuscités. Lui, l’homme mûr, est redevenu petit garçon. Pour une partie des vacances, il séjourne chez Pépère et Mémère. Est venue l’heure du coucher. L’œuvre démente a disparu, dans un tourbillon de poussière illuminé par une lune à la rondeur parfaite. Dans la chambre d’amis, la statuette de bronze se dresse sur la table de chevet. L’enfant n’aime pas le guerrier, qui n’est guère moins velu que le monstre du tableau. Le premier serait-il complice du second, cet insatiable ventre ?
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