10/07/2012
The Foe (1)
The Foe (L’Ennemi) (1)
(Extrait)
I know that It is here, patient and silent, crouching at the far end of the room, lurking amongst the shadows, its sisters and its accomplices, like a gloomy mare spawned by night, and bequeathed unto me as a unique and horrid privilege.
Je sais que Cela est ici, patient et silencieux, qui rôde et se tapit à l’autre bout de la pièce, parmi ses sœurs et complices, les ombres, comme une lugubre jument, par le cauchemar d’une nuit engendrée, qui m’échut en héritage, tel un unique et abominable privilège.
Only the lamp-desk is lit, and its shade encircles a narrow and shallow pool of light. In the middle of it, the typewriter is squatting on its haunches, and waiting for ten nimble fingers to skip and dance on its keys, so as to wake it up.
Seule la lampe de bureau est allumée, et le cercle de l’abat-jour délimite une mare de lumière, étroite et sans entrailles. Au milieu de celle-ci, la machine à écrire est assise à croupetons, et attend que dix doigts agiles sautent et dansent sur ses touches, de façon à l’éveiller.
1 Nouvelle que j’ai d’abord écrite en Anglais, puis traduite en Français.
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13/06/2012
Les jumelles (Premier épisode)
Les jumelles (1)
Dans cette rue peu passagère, et même plutôt morne pendant le jour, très silencieuse la nuit, parce que les commerçants, la jugeant trop étroite et éloignée du centre, n'avaient pas daigné y ouvrir boutique, on pouvait voir deux maisons qui, à l'origine, avaient été bâties pour se ressembler à tel point que l'on n'aurait pas hésité à les qualifier d'identiques. De médiocre largeur, de hauteur ordinaire et composées d'un rez-de-chaussée surmonté d'un étage et d'un grenier, elles s'ouvraient directement sur la rue, sans la transition qu'aurait permise une cour, passage entre le domaine public et la vie privée. Sur cette façade, chacune possédait trois fenêtres, l'une au rez-de-chaussée et les deux autres à l'étage ; à l'arrière, où se trouvait le jardin, le mur était percé du même nombre d'ouvertures, comme si le constructeur avait voulu créer une symétrie absolue entre la face visible et la face cachée.
Cependant, au premier regard, on remarquait le contraste et même l’opposition entre les deux bâtisses. Celle de gauche conservait, en permanence, une fenêtre à l'étage ouverte sur la rue ; un homme muni de jumelles s'y accoudait des jours entiers et observait, en maugréant et fulminant, un lointain spectacle de lui seul connu. Quant à la maison de droite, elle semblait complètement fermée ; en toutes saisons, ses volets restaient clos, et sa porte était condamnée par deux épaisses et longues barres d'acier. Si l'on s'était contenté des apparences, on en aurait conclu que personne n'y vivait. Le curieux qui, ne se satisfaisant pas d'impressions superficielles, contournait l'obstacle en empruntant la ruelle située à l'arrière, aurait pu constater que parfois en sortait une femme, qui portait un panier à provisions, puis rentrait une heure plus tard. Cette dame n'effectuait donc ses sorties et ses entrées que par la grille du jardin, qui s'ouvrait sur la venelle.
(1) Nouvelle extraite de Voyage au Pays d’Haistybradu.
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04/06/2012
M. Euréka
M. Euréka
Je connus ce délicieux imbécile dans une association.
Appelons ce crétin M. Euréka. Le sobriquet s’appliquera, exactement, sur sa face d’égocentrique absolu. Dans l’une de ces foires aux bouquins, je dédicace mes livres (du moins je m’y efforce) au milieu du tohu-bohu et de la cohue, malgré le défilé bovin des badauds et des ballots venus admirer l’une de nos idoles médiatiques mais très peu littéraires, vedettes aux plumes de pacotille.
Passons. M. Euréka se veut courtois. C’est, je suppose, la plus grande de ses qualités, le plus beau de ses atouts. Pour ce motif, nécessaire mais à mon avis insuffisant, M. Eureka est venu me saluer. Non par intérêt pour ma personne, qui ne compte pas plus pour lui que la crotte canine, ni pour mes livres indignes de torcher son auguste derrière, comme je vais vite le vérifier.
Il s’enquiert de ma santé, avec la nonchalance et le détachement aristocratiques propres à sa caste, celle des imbéciles diplômés, se contente d’une réponse en deux mots, puis répond de manière détaillée à mes questions sur sa carrière –éminemment ratée- d’amuseur public.
Entre nous s’alignent les quelques livres que le peu d’espace dont je dispose m’a permis d’exposer. M. Euréka me regarde droit dans les yeux, en homme très bien éduqué. Pas une seconde il ne soulèvera, même du bout des doigts, l’un de mes répugnants volumes. M. Euréka ne me posera pas la moindre question à ce sujet.
Au cœur du monde, étincelle et règne la sublime personne de M. Euréka ; vers lui, nous le savons, se dirigent tous les regards de l’humanité. La santé, les joies et les soucis, les espoirs et les déceptions de M. Euréka, voilà les seuls thèmes qui méritent l’attention générale. Tout le reste est accessoire et dérisoire, y compris la personne de ce satané, de ce calamiteux Yann Le Puits, lequel se sent devenir larvaire. Si j’exposais des légumes ou des fruits, peut-être se montrerait-il plus intéressé.
M. Euréka est parti, fort satisfait de lui-même, comme à l’accoutumée. J’aurais dû lui demander ce qui, en dehors de son auto célébration, motivait sa visite, après des années de réciproque et totale indifférence.
Puis, réfléchissant sur le grotesque de la scène, je me reproche d’avoir péché par excès de bonnes manières. Au fond, je n’ai pas agi autrement que M. Euréka : je me suis comporté en homme éminemment civilisé, c’est-à-dire en hypocrite. Qu’aurais-je dû faire ? Lui demander pourquoi il était venu me voir, si mes livres n’étaient à ses yeux que des ramassis de feuilles noircies d’encre. Lui interdire de reparaître devant moi, si le seul thème qui le passionne, c’est lui-même. Oui, j’aurais dû l’expédier au cinq cents diables, maudire sa descendance jsuqu’à la millième génération, le vouer aux gémonies ! L’urbanité m’a lié la langue.
Une prochaine fois, il recevra le salaire de sa crasseuse vanité. Si toutefois pour cela je rassemble assez d’audace…
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