03/02/2013
Carnet d'une randonnée (8)
Parlez-en à vos parents ou amis bretons, à tous ceux qui aiment la Bretagne !
Carnet d’une randonnée (8)
Démontez le manoir breton, déplacez-le, reconstruisez-le en Touraine ou Provence, Il y sera un étranger, voire même l’intrus. Nous avons tous vu de ces maisons, qui ne sont pas natives d’une région, posées au cœur d’un paysage sans parenté avec elles, où elles constituent la risible incongruité, que les moqueurs se désigneront du doigt. Pouvons-nous les en blâmer ?
Le manoir tourangeau, par exemple, tire une part non négligeable de son charme du fait qu’il se fonde sur la falaise de tuffeau. Sa pierre blanche et tendre s’accorde avec le cadre, semi-naturel, semi-humain. Même éloigné de la Loire, par exemple en Gâtines, il constitue un exemplaire de la collection.
Les lotissements construits au cours des trente dernières années sont souvent laids, non seulement parce qu’ils sont uniformes, mais aussi parce que leurs matériaux n’ont aucune parenté avec le terroir. La maisonnette, fabriquée en usine, et dont il suffit d’assembler les éléments sur le chantier, n’est remarquable que par son absence de personnalité, sa pure artificialité. Pour aggraver les choses, le garage fait souvent comme une saillie, occupe le premier plan. Sa position prédominante donne l’impression que la maison n’est qu’une option, le garage étant la construction principale. Cela illustre la véritable hiérarchie de notre siècle.
Extrait de Hautes sources, vastes estuaires, 324 pages, 14 Euros frais d’envoi offerts.
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02/02/2013
Carnet d'une randonnée (7)
Parlez-en à vos parents ou amis bretons, à tous ceux qui aiment la Bretagne !
Carnet d’une randonnée (7)
Dans le cas du manoir breton, ce premier que je vis en 1977, puis tous les autres que j’admirai ensuite de 1982 à 2OO6, il faut admettre comme démontrée l’hypothèse suivante : l’irréprochable rectitude des lignes et l’absence ou la grande économie de fioritures donnent au total une impression de sévérité, laquelle n’empêcherait pas d’éprouver la présence de la beauté. Personne ne songera, par exemple, à dire d’un manoir breton qu’il est « joli », sauf à méconnaître les différences entre joliesse et beauté. Le manoir breton ne cherche pas à séduire par des artifices multiples. Il n’a pas la finesse, l’élégance aérienne des châteaux de la Renaissance. Pourtant, il nous charme, comme le fait le conte. Je conçois, pourtant, que ce genre de beauté puisse laisser indifférent. La sévérité n’est pas du goût de tout le monde. Elle peut refroidir l’enthousiasme. Pire que tout : elle est démodée…
L’attrait qu’exerce le manoir breton provient de sa correspondance exacte avec le paysage duquel il émane, ou qu’il prolonge, comme une expression humaine et, donc, nécessairement culturelle, de la Nature. Il s’harmonise avec l’environnement minéral et végétal. Roses ou bleus, les hortensias lui donnent le contrepoint de couleur et de gaieté, que rehaussent les feuillages des chênes et des châtaigniers. On m’objectera que je véhicule là une vision de vacancier, qui ne connaît pas la Bretagne hivernale. Il est vrai. Par contre, son visage pluvieux ne m’est pas inconnu. Entre plusieurs portraits d’une même personne, ne sommes-nous pas tentés de conserver le plus attrayant, c’est-à-dire le plus souriant ?
Extrait de Hautes sources, vastes estuaires, 324 pages, 14 Euros frais d’envoi offerts.
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01/02/2013
Carnet d'une randonnée (6)
Parlez-en à vos parents ou amis bretons, à tous ceux qui aiment la Bretagnen !
Carnet d’une randonnée (6)
Revenons au manoir de 1977, qui devint, en quelque sorte, pour moi l’archétype de tous les manoirs bretons. Ma connaissance de la Bretagne était alors minimale. Nous étions venus, mes parents, mes sœurs et moi, en 1961, passer des vacances pluvieuses dans le Morbihan, à camper près d’une ferme, où nous allions chercher le lait frais, si crémeux qu’à lui seul il pouvait servir de dessert. Je n’avais, de cette période, conservé que des souvenirs très imprécis. Me reste, en particulier, l’image de la vieille tante, qui ne parlait pas Français, et qui courut vers mon père en lui ouvrant les bras, et parlant sa langue celtique, pour nous incompréhensible.
« Mon » premier manoir n’était pas normalement ouvert au public. Si j’ai oublié le nom qu’il porte, c’est peut-être que, dans ma mémoire bretonne, laquelle n’est qu’une part précise de ma mémoire totale, il est devenu « le manoir ». Son existence était signalée dans le topo-guide du sentier de grande randonnée. Aussi m’en approchai-je, comme n’importe quel touriste, d’abord pour le voir, ensuite parce que j’espérai pouvoir le photographier. Ces choses-là ne sont pas toujours possibles. En particulier, en Touraine, de hauts murs et les arbres d’un parc dissimulent souvent la gentilhommière aux regards fureteurs.
En l’occurrence, il s’agissait de l’une de ces vieilles et belles demeures au toit d’ardoise et bâties en granit. Il est remarquable que le mot « demeure », lorsqu’il remplace « manoir », attire presque inévitablement à lui les adjectifs « belle » et « vieille », comme si nous récitions un acte de foi dans la beauté de ces constructions. A noter que nous commençons par les qualifier de « vieilles », ce qui permet d’inférer que la beauté dérive de l’ancienneté, comme si celle-ci garantissait l’existence de celle-là.
Extrait de Hautes sources, vastes estuaires, 324 pages, 14 Euros frais d’envoi offerts.
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