22/07/2014
Mon père disait 6
« Mon père disait… » (6)
Ceci dit, le balèze aux allures de primate va câliner sa fillette, assise sur ses genoux pour le temps du trajet. La gamine a déjà trop de rondeurs. Il suffit de voir sa mère, pour savoir quelle ligne de corps elle aura, une vingtaine d’années plus tard.
Certaines portes s’ouvrent au raz de l’eau. A Bruges, mieux vaut ne pas se tromper de côté, pour sortir de chez soi. L’ivrognerie présente ici un danger, ailleurs plus rare. La baignade ne doit pas être des plus agréables…
Comme à Amsterdam, où nous irons quelques jours plus tard, certains des ponts descendent si bas sur l’eau qu’il suffirait parfois de lever le bras pour presque effleurer le tablier. Celle ou celui qui se dresserait alors voudrait en finir avec la survie.
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21/07/2014
Mon père disait 5
« Mon père disait… » (5)
Je ne contesterai pas la beauté de l’architecture brugeoise, mais des canaux se dégage par endroits une nauséeuse pestilence, assez en accord avec l’humeur de ces guichetiers, qui ratèrent la vocation de gardiens de prison.
La barque est trop chargée à bâbord. Un couple d’obèses au parler rauque et guttural rétablit l’équilibre. Avec deux ou trois touristes, j’échange des sourires narquois. N’allons pas au-delà : se frotter au gorille, qui vient de poser son énorme séant sur le banc, serait synonyme de cassage de figure.
Vêtu d’un maillot sans manche, il exhibe des bras gros comme mes cuisses ; toute la peau visible, dans l’échancrure du maillot, sur la poitrine et le dos mais aussi les bras, présente une affreuse collection de tatouages aux motifs cauchemardesques, visibles même sur le poitrail, malgré l’abondante pilosité.
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20/07/2014
Mon père disait 5
« Mon père disait… » (5)
Jeudi 4 août
Paule et Bernard Herbault, qui nous avaient donné l’adresse du gîte, omirent de nous signaler le fait qu’il ne comportait pas de grand lit, mais deux petits. Arrangement malcommode, pour la tendresse.
Nous allons verser le loyer à la propriétaire, flamande polyglotte qui se donne le temps de bavarder avec nous. A notre arrivée, nous croisons la famille américaine, père, mère et fils adolescent – ce dernier marmonne et nasille, de façon si yankee, que je me demande quelle langue il massacre. Variété d’anglais presque totalement obscure, pour mes oreilles plus habituées à l’accent britannique du Sud-Est.
Le soleil nous incite à choisir, pour ce matin, la promenade en bateau. A la vue de ma carte d’invalidité, le guichetier retrousse les babines, dénude ses crocs, grogne et gronde, comme un bouledogue atteint de la rage. La veille, Elisabeth avait tenté d’obtenir des informations ; elle avait été reçue avec la même grâce canine, par un autre chien de garde, tapi dans sa niche et prêt à déchiqueter les enquiquineurs de notre espèce, les francophones.
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