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02/10/2013

les ailes brisées 17

 Les ailes brisées (17)

 

    La température descendit en dessous de zéro. Il gela. Des rares nuages encore persistants, le ciel se dégagea complètement. La lune cisela chaque feuille de fougère. Les étoiles coulèrent sur les arborescences géantes des ruisseaux de clarté originelle. La lumière primitive glaça le paysage vaguement onduleux. Les animaux sauvages humèrent le vent, flairèrent les pistes du prédateur ou du gibier, mais chacun sut, grâce à la science de l’instinct, que la puissance suprême dirigeait cette illumination venue des extrémités de l’univers, le bouillonnement de ces milliards de soleils qui naissent,  grandissent, vivent, vieillissent et meurent comme les humains, jusqu’à l’explosion finale.

    Vers les trois heures du matin, Petrov se leva. Vers le ciel où la lumière et l’obscurité se disputaient le terrain, il dirigea le regard. Ce n’était pas la première fois qu’il bivouaquait, mais cette nuit était solennelle. Le pilote mesura mieux sa petitesse, face au grandiose et magnifique scintillement, éparpillé sur la toile d’un noir bleuté. Il se rappela que, même avant la mort, l’homme n’est qu’une poussière parmi des millions de milliards de poussières, particule microscopique parmi des myriades d’autres particules. L’orgueil veut que ces amibes humaines se prennent pour d’énormes planètes. A l’intersection de la solitude et de l’infini, Petrov frissonna, car il se sentit réduit à ce qu’il était, c’est-à-dire presque rien.

 

Nouvelle extraite de Hautes sources, vastes estuaires, en vente sur ce blog.

 

 

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01/10/2013

Les ailes brisées 16

 Les ailes brisées (16)

 

       Autour d’eux, partout, le vent ignorant des frontières promenait sa cantilène, incessante, susurrante, insinuante, gémissante, dans la forêt de fougères, que l’intrusion des naufragés avait dérangée.

    Ils traversèrent cahin-caha les zones de turbulence d’un sommeil entrecoupé, fébrile et cauchemardesque. A chaque fois qu’ils se réveillaient, ils entendaient le vent poursuivre sa course plaintive, qui faisait se plier, ployer, se déplier, les fougères. Au lointain, des hurlements de ralliement conviaient les loups éparpillés à réunir leurs forces pour la traque. La lune glaciale illuminait la nuit aux immenses, aux gigantesques proportions. Le cosmos avait assemblé la brillante armée de ses paisibles sentinelles. L’énorme cœur de la Nature palpitait : diastole d’une bourrasque, systole de l’accalmie.

    Dans les sacs de couchage conçus pour de très basses températures,   les corps frileux des naufragés se recroquevillaient, mais le pire n’était pas d’avoir froid. Non, le plus grave était de sentir la fragilité, la vulnérabilité de l’homme face à la grandiose puissance du cosmos, qui déjà les avait projetés vers le sol, avait brisé leurs ailes, mais les avait épargnés, comme pour se montrer magnanime dans sa cruauté, ou cruel dans sa magnanimité, car désormais le chemin du salut serait long, très long, excessivement long. 

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30/09/2013

Les ailes brisées 15

  Les ailes brisées (15)

 

      D’ailleurs, ces « mangeurs d’hommes » fuyaient plutôt leurs proies potentielles, tant elles les redoutaient.  Le problème était bien plus profond que cela. Déjà la Nature les avait frappés. Le ciel s’était montré plus fort que l’oiseau de métal. Le poing qui avait frappé l’avion, ne pouvait-il pas s’abattre sur eux, les écrabouiller comme des mouches ?

    Habituellement, les deux aviateurs ne s’encombraient pas de considérations métaphysiques. Le jugement de Dieu et ses manifestations météorologiques ne les souciaient pas. Malgré tout, l’écrasement avait imprimé en eux la marque de l’horreur. Ils avaient fixé les orbites creux de la camarde.  Tout était potentiellement devenu porteur de menaces. L’omniprésence de la Nature leur imposa des précautions. Avec les tôles, ils se bâtirent une sorte de cabane, un peu branlante et rudimentaire. Les deux amis s’enfoncèrent dans des sacs de couchage, puis se souhaitèrent bonne nuit.

   

 

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