Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/08/2013

La mission de Marnay 6

La mission de Paul Marnay (6)

 

   Assez régulièrement, le prêtre passait du « mon fils » à « M. Marnay », comme s’il hésitait à donner sa préférence à l’une des formules plutôt qu’à l’autre. La première l’éloignait de l’assureur et plaçait entre le laïque et lui la distance cléricale qu’à cet instant il jugeait souhaitable ; dans ce cas, l’abbé ne répugnait pas à s’exprimer à la première personne du pluriel comme si, par décret divin, lui avait été conférée la dignité royale.  A contrario, la simplicité de la relation lui paraissant mieux indiquée à d’autres moments ; alors, il recourait à la seconde civilité, comme s’il oubliait qu’il était prêtre, ou comme s’il voulait le faire oublier par le visiteur. 

    « Bien sûr, mon Père. Je me demande de quelle façon je pourrais me rendre utile à l’école du Rédempteur, moi qui n’ai pas la vocation de pédagogue. 

    - Mais vous avez d’autres compétences. Voulez-vous un petit cigare ? A ma grande honte, je dois avouer que c’est une de mes faiblesses, que je n’arrive pas à vaincre. Je succombe à la tentation du tabac trois à quatre fois par jour.

    - Je ne refuserai pas de vous accompagner, mon Père, si cela peut vous aider à vous sentir moins fautif.

    - Vous êtes trop bon, cher M. Marnay, le flatta le  directeur diocésain, qui, redevenu pécheur ordinaire, se défroquait provisoirement.  Servez-vous, je vous en prie. »

     Extrait de Entre muraille et canal

 

09:45 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

05/08/2013

la mission de Marnay 5

La mission de Paul Marnay (5)

    « Comment se porte votre nombreuse et belle progéniture, mon cher M. Marnay ?

    - Très bien, mon Père. Mon éposue et moi-même, nous nous efforçons de les élever en vertu des meilleurs principes. Cela n’est pas facile à notre époque, où l’irréligiosité, le cynisme et l’athéisme s’affichent avec la plus vile impudeur.

    - Ce n’est pas moi qui vous contredirai, mon fils. L’aîné travaille au collège du Rédempteur, n’est-ce pas ?

    - Effectivement, Philippe y est surveillant depuis deux ans. Parallèlement à cela, il suit des cours de Droit par correspondance.  

    - Et la nièce de mon ami, l’abbé Citrin,   une certaine Marie-Ange, est également surveillante au collège du Rédempteur. Je la connais assez bien. C’est une chance, pour une école chrétienne, d’avoir pu recruter deux jeunes adultes, qui présentent les meilleures garanties de moralité, pour la surveillance des dortoirs. L’initiative du pensionnat mixte avait fait frémir certaines paroissiennes mais, finalement, nous pouvons parler de succès.

    - Je puis aussi vous assurer  que les études dirigées ou surveillées sont assurées avec le plus grand sérieux et un maximum d’efficacité, sans parti pris pour Philippe, bien sûr. Marie-Ange et lui se connaissent depuis la petite enfance et se considèrent comme frère et sœur. Ils forment le meilleur tandem possible.  

    - Je n’en doute pas le moins du monde, M. Marnay, mais venons vite à l’affaire qui vous amène ici. Je présume que vous avez hâte de savoir ce que nous attendons de vous, mon fils. »

       Extrait de Entre muraille et canal

 

09:47 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

04/08/2013

La mission de Marnay 4

La mission de Paul Marnay (4)

 

   Il régnait, dans le bureau, l’odeur âcre et persistante du tabac refroidi. La fenêtre donnait sur une cour intérieure, humide et profonde entre les hauts murs. Même en juillet,  la spacieuse pièce conservait des zones d’obscurité, où le regard ne pénétrait qu’avec peine. L’utilisateur du lieu était assis le dos tourné vers la fenêtre, si bien que son buste formait un obstacle entre la luminosité de l’été, d’une part, et le regard de son vis-à-vis, d’autre part, qui en était réduit à supputer les expressions du directeur diocésain, alors que celui-ci lisait le déroulement des impressions et sentiments sur la face de  l’interlocuteur, du moins celles et ceux que M. Marnay ne parvenait pas à celer. Il ne serait pas abusif de supposer que la table de travail était sciemment orientée de façon à faciliter la tâche d’observation de l’abbé Heurtebise, d’où l’on peut inférer, avec un risque minimal d’erreur, que le spectre du Grand Inquisiteur se dressait derrière le siège directorial, perpétuant de subtile manière ce qui, cinq siècles plus tôt, se pratiquait sans la moindre subtilité.   

       Extrait de Entre muraille et canal

 

 

 

10:16 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)