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03/04/2013

Le cordon bleu (10)

Le cordon-bleu (10)

 

   Le Brahz tient le choc. Il ne boit que de l’eau, mais sa fourchette est redoutable. Le prêtre l’observe, goguenard, du coin de l’œil, tout en sirotant le vin rouge à minuscules gorgées de connaisseur.

    « Il est gouleyant, juge-t-il avec un claquement de langue approbateur. Le bouquet s’attarde en bouche. »

    Le jeune professeur félicite la cuisinière pour son talent de cordon-bleu :

    « Vous auriez pu faire fortune dans la restauration, Mme Ducasse.

    - Pour ça, il m’aurait fallu un petit avoir pour m’installer, mais je n’ai jamais eu un sou vaillant, depuis la mort de mon mari. »

    Jusqu’à ce moment, Germaine n’avait parlé que du voisinage, de Sainte-Radegonde-en-Marais à la routine si routinière, qu’elle trouve à son goût, même si parfois le comportement de certains habitants la surprend ou la choque.

    Citrin sait déjà en quelles circonstances est décédé le mari de Mme Ducasse, mais les deux autres convives, qui l’ignorent, doivent apprendre l’horrible vérité.

 

    (Extrait de Entre muraille et canal)

09:53 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

02/04/2013

Le cordon bleu (9)

Le cordon-bleu (9)

 

    Le thym et le laurier parfument agréablement le pâté. Les cornichons piquent là-dedans la note d’acidité, contraste obligé avec le moelleux mélange de porc et de lapin.

     Contre Le Brahz, Citrin possède l’avantage d’une longue expérience des repas campagnards, dont le moindre peut ressembler à un festin. L’abbé mesure son effort, il limite strictement les portions, mâche avec une méthodique application, tandis que le novice attaque les plats avec une bravoure qui frise la témérité. Afin d’emporter la victoire dsns le tournoi, le bouillant chevalier manie les armes avec une effroyable dextérité, une effrayante vélocité. Il court, comme emporté par le galop d’un pur-sang arabe, tandis que Citrin va pesamment au pas du percheron. L’avenir dira lequel des deux palefrois était le mieux adapté à l’épreuve. 

    La soupe et le pâté n’ont servi que de préludes, dans cette symphonie de la gourmandise. Les truites aux amandes apportent une diversion, où se conjuguent la fougue et la fraîcheur du torrent et la finesse laiteuse du fruit mûr, que sa coquille a si bien préservée.

        (Extrait de Entre muraille et canal) 

10:26 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

01/04/2013

Le cordon bleu (8)

Le cordon-bleu (8)

 

    Germaine Ducasse offre de nouveau la soupe, dans laquelle se combinent l’orangé des carottes, le vert des poireaux, le rosé des patates et le blanc du navet, œuvre colorée qui vaut mieux que tant de soi-disant tableaux modernes. Le plus affamé des trois lui tend son écuelle, prouvant par là qu’il est déterminé à montrer aux deux autres concurrents que, sur le terrain de la goinfrerie, la bataille est pour eux perdue d’avance. Le plus maigre des trois n’a, de toute manière, jamais songé à se battre en duel à coups de fourchettes ou de cuillères. Le représentant de Dieu préfère attendre la suite du repas. Peut-être garde-t-il des réserves d’appétit, pour lancer plus tard une offensive qui prendra l’adversaire au dépourvu. 

    Germaine Ducasse ne cesse de bavarder. De temps à autre, elle pose une question à ses invités, n’attend pas qu’ils aient fini de lui répondre pour ajouter son commentaire, mais ce monologue féminin soulage les trois hommes. Que se diraient-ils ? Citrin et Le Brahz se dévisagent encore avec une suspicion que la bonhomie de l’hôtesse ne peut entamer.

    A la soupe succède une terrine de pâté de campagne, réalisée par les soins de Germaine. De nouvelles tranches de pain bis viennent remplacer celles que le premier assaut avait arrachées à la corbeille d’osier.

    (Extrait de Entre muraille et canal)

10:24 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)