20/07/2014
Mon père disait 5
« Mon père disait… » (5)
Jeudi 4 août
Paule et Bernard Herbault, qui nous avaient donné l’adresse du gîte, omirent de nous signaler le fait qu’il ne comportait pas de grand lit, mais deux petits. Arrangement malcommode, pour la tendresse.
Nous allons verser le loyer à la propriétaire, flamande polyglotte qui se donne le temps de bavarder avec nous. A notre arrivée, nous croisons la famille américaine, père, mère et fils adolescent – ce dernier marmonne et nasille, de façon si yankee, que je me demande quelle langue il massacre. Variété d’anglais presque totalement obscure, pour mes oreilles plus habituées à l’accent britannique du Sud-Est.
Le soleil nous incite à choisir, pour ce matin, la promenade en bateau. A la vue de ma carte d’invalidité, le guichetier retrousse les babines, dénude ses crocs, grogne et gronde, comme un bouledogue atteint de la rage. La veille, Elisabeth avait tenté d’obtenir des informations ; elle avait été reçue avec la même grâce canine, par un autre chien de garde, tapi dans sa niche et prêt à déchiqueter les enquiquineurs de notre espèce, les francophones.
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19/07/2014
Mon père disait 4
« Mon père disait… » (4)
Les carrioles cahotent sur la foule serrée des pavés. Les rues résonnent de voyelles méditerranéennes. A Bruges, la jeunesse espagnole et italienne vient se repaître d’une certaine forme d’exotisme, puisque l’Ailleurs par essence est source de dépaysement et de surprises.
Au même moment, la jeunesse belge doit fréquenter les plages ensoleillées de nos voisins, au-delà des Alpes et des Pyrénées. Les Flamands haïssent-ils autant les Wallons, sous les rayons méditerranéens ?
Ne cédons pas à la facile et désastreuse tentation de la généralisation ; dire que tous les Flamands abhorrent les Wallons serait aussi faux que de dire que l’harmonie règne au plat pays.
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18/07/2014
Mon père disait 3
« Mon père disait… » (3)
Après le dîner, nous ressortons pour une promenade de découverte. Nous n’avons pas d’autre but que de faire connaissance avec la ville, comme si nous allions à la rencontre d’une personne inconnue, avec la même prudence à la fois curieuse et respectueuse.
Arrivés devant une église, étonnés qu’elle soit encore ouverte, nous y pénétrons. Elle porte le nom de Saint Walburg. A l’heure actuelle, j’ignore encore tout de ce personnage. Construite au 17e siècle, en style jésuite et baroque, elle est à l’intérieur toute blanche.
Nous ne prisons pas ce style architectural, à la lourdeur emphatique, plus apte à exprimer le pouvoir temporal d’un ordre ecclésiastique, qu’à suggérer l’envolée mystique, si manifeste dans les cathédrales gothiques. Celles-ci cherchent le ciel, tandis que l’église jésuite s’assied fermement sur le sol et n’a d’autre ambition que de s’y maintenir. Elle a gros fessier, mais point d’ailes. Dieu existe, certes, mais comme le coffre-fort d’une banque centrale, replet de lingots d’or. Dieu, garantie suprême, ou valeur garantie, étalon or des Jésuites. Amen.
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