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09/08/2013

La mission de Marnay 9

La mission de Paul Marnay (9)

    L’abbé s’estima plutôt satisfait de l’équivoque contenue dans sa dernière clause.

    « Excusez-moi, mon Père, mais je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Qu’entendez-vous par « nous quitter » ?

    - L’état de santé de M. Denis Truchaud n’est pas du tout enviable. Son espérance de vie semble très limitée. Nous prierons pour lui, afin que le Seigneur lui donne la force d’assurer ses fonctions jusqu’au mois de juillet prochain.

    - Ah, je vous suis ! Dois-je en conclure que vous attendez de la communauté chrétienne qu’elle soit particulièrement attentive et qu’elle dispense toute l’aide que nécessitera M. Truchaud ?

    - Exactement, M. Marnay. De vous, en particulier, j’attends que vous l’aidiez à tenir la comptabilité. Dans les postes qu’il a occupés auparavant, M. Denis Truchaud s’est montré compétent, mais les chiffres ne sont pas sa tasse de thé, si vous me permettez la familiarité de l’expression. »

     Après avoir accepté de griller un cigare, Paul Marnay ne pouvait avoir aucune objection à soulever contre l’image d’une tasse de thé. Mentalement, il nota le passage de « Mon fils » à «  M. Marnay ». Comme lors de précédentes rencontres, il admira  le jeu savant de ces nuances, qui signifiaient la volonté d’un changement de registre comme si, la messe achevée, allégé de ses multiples atours et sortant de l’église, Heutebise s’était rendu à un rendez-vous avec le notaire ou le banquier.

    « Mon Père, vous savez que vous pouvez compter sur moi. Je ne manquerai pas de prêter main forte à M. Truchaud. Puis-je me permettre une question ?

    - Mais bien sûr, faites donc, je vous en prie.

    - Le directeur … provisoire devra-t-il souvent se rendre au chef-lieu, pour y recevoir des soins à l’hôpital ?

    - Cela, tout à fait franchement, je l’ignore, mon cher M. Marnay, mais je présume que oui. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons examiner les comptes du collège lequel, et sur ce point je ne vous apprendrai rien, n’est pas riche. »

 

     Extrait de Entre muraille et canal

09:36 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)

08/08/2013

La mission de Marnay 8

La mission de Paul Marnay (8)

    « Mon cher fils, reprit doctoralement le corrupteur, vous n’êtes pas sans savoir que la petite école de Sainte-Radegonde-en-Marais va changer de direction. Il ne pouvait en être autrement, à cause du départ à la retraite de M. Vilosseau. Trouver des chefs d’établissements pour nos établissements présente des difficultés, car d’année en année la tâche s’alourdit, les requis sont multiples et les gratifications peu élevées. Pour ce qui concerne le collège du Rédempteur, nous nous sommes vus dans l’obligation de nommer une personne qui n’assumera probablement la direction que cette année. »

    L’abbé Heurtebise se tut, laissa le sens de ses paroles pénétrer la profane cervelle de Paul Marnay. Puis, même s’il n’écrivait pas de romans policiers, l’abbé se plaisait à créer le suspens.

    « Voulez-vous dire que ce directeur se verra confié une nouvelle mission, une fois l’année scolaire achevée ?

    - Hélas non pour lui, mon fils. M. Denis Truchaud, puisque c’est là le nom du directeur… provisoire, n’assumera certainement plus aucune fonction. Il se pourrait même qu’il nous quitte. »

       Extrait de Entre muraille et canal

 

 

 

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07/08/2013

La mission de Marnay 7

La mission de Paul Marnay (7)

 

   Ce disant, le tentateur tendit au fidèle paroissien le coffret de cigarillos d’une qualité plutôt prolétarienne ; néanmoins, l’origine de ce tabac ne pouvait être cubaine, sauf à se compromettre avec le plus sacrilège des ennemis. L’abbé passa son briquet au visiteur lequel, en possession du fin tube de poison rougeoyant, repassa la boîte et l’instrument d’allumage à leur propriétaire. Deux nuages de fumée s’élevèrent bientôt de part et d’autre de la table de travail, sans que ni l’abbé,  ni l’assureur ne crût voir apparaître une auréole de sainteté sur la tête de l’interlocuteur.  

    La voix de l’abbé Heurtebise affectait le professionnalisme, c’est-à-dire qu’elle possédait l’onctuosité propre aux ecclésiastiques, plus particulièrement à ceux de l’église catholique, avec juste ce qu’il faut de ton cérémonieux pour marquer la distance entre le clerc et le laïque. Modèle de clarté, son élocution ne négligeait aucune liaison. Sa grammaire et son vocabulaire  étaient irréprochables, l’une comme  la rectitude de sa cravate, l’autre comme la blancheur de la chemise.  Au total, son discours communiquait la nostalgie du beau langage, clair et précis, toutes qualités jugées désuètes au nom de la sacrosainte Paresse.

 

       Extrait de Entre muraille et canal

09:43 Publié dans Romans | Lien permanent | Commentaires (0)